Published as a
chapter in the bilingual book: Francis Snyder (ed.), Comment protéger les
intérêts du citoyen dans l'Union européenne d'aujourd'hui ? - Protecting the
Interests of the Citizen in Today's European Union, Editions Bruylant, Brussels
2003.
La transposition de
la Directive sur le droit d’accès à l’information concernant l’environnement en
droit anglais et français.
Contribution
à la Première Rencontre Internationale de Jeunes Chercheurs,
présentée
par Jean-Jacques Paradissis,
Department
of Law, City University, London.
15
octobre 2002
A) En Angleterre : l’existence de deux
régimes indépendants.
1) Le droit à l’information en matière d’environnement 8
2) Le droit à l’information en général : la Freedom of Information Act 2000
3) L’exclusion des informations concernant l’environnement du champ du
régime général.
B) En France : l’adaptation du régime d’accès
général aux spécificités du droit de l’environnement.
1) Le droit à l’information en général
2) Le droit à l’information en matière d’environnement 15
A) En Angleterre : l’utilisation de la
définition donnée par la Directive.
B) En France : l’absence totale de
définition.
C) Le paiement des coûts de la
communication : la difficile question du montant raisonnable.
D) Les voies de recours : le choix entre un
recours administratif ou juridictionnel.
A) Les exceptions à la communication en
Angleterre : un plus grand nombre d’exclusions relatives.
B) Une transposition plus conforme à l’esprit de
la Directive en Angleterre qu’en France.
Ces dernières décennies on a pu
assister à l’émergence d’une nouvelle nécessite dans les sociétés
industrialisées : la protection de l’environnement. Cette évolution a conduit à
la naissance du droit de l’environnement, branche du droit relativement
nouvelle, qui a du utiliser les instruments juridiques déjà en place afin d’arriver
à son but : la protection de l’environnement à travers le droit.
L’utilisation de l’information
comme moyen de protection de l’environnement a été très tôt considérée comme
une technique efficace. Ceci a conduit à l’adoption au niveau communautaire de
Directives utilisant l’information comme moyen de protection de
l’environnement. Il s’agit notamment, de la Directive 85/337/CEE sur les études
d’impact, de la Directive Seveso et la Directive Seveso II qui l’a remplacée,
ainsi que le règlement 880/92 sur les labels écologiques ainsi que la Directive
92/75/CEE sur les labels énergétiques et le règlement 2422/2001 sur les labels
d’efficacité énergétique des équipements de bureau. Mais l’évolution la plus
importante a été réalisée par la reconnaissance d’un droit à obtenir toute
information relative à l'environnement au profit de tout demandeur, par la
Directive 90/313/CEE concernant la liberté d'accès à l'information en matière
d'environnement.
Cette Directive est le premier
instrument juridique supranational obligatoire à consacrer un droit d'accès à
l'information en matière d'environnement détenue par les autorités publiques et
ce au profit de tout demandeur sans qu’il ait besoin de justifier d’un intérêt
à agir.[1] Il doit être noté que réglementer juridiquement
la diffusion des documents détenus par les pouvoirs publics n’est pas une
nouveauté en Europe. Le droit a depuis longtemps reconnu un droit d’accès des
citoyens aux informations détenues par des personnes publiques, même si le
degré de reconnaissance de ce droit varie en fonction du pays étudié.[2]
Dans ce travail, nous allons
étudier la manière dont a été transposée la Directive 90/313/CEE dans deux pays
de l’Union Européenne : la France et le Royaume-Uni.[3] Même s’il existe plusieurs travaux
traitant de la manière dont a été transposée cette Directive dans le droit des
pays membres,[4] il n’en existe aucun qui traite de
manière comparée ces deux pays qui nous paraissent présenter des différences
très importantes et de ce fait intéressantes à étudier, de la manière dont la
Directive a été transposée en droit national. D’ailleurs, ces études sont
dépassées et ne prennent pas en compte les bouleversements législatifs
intervenus en la matière en chacun de ces deux pays ces dernières années. De
plus, l’étude comparée des règles juridiques de ces deux pays régissant le
droit d’accès à l’information environnementale permet aussi de décrire le
rapport différent qui existe en chaque pays entre le droit général d’accès à
l’information administrative et le droit d’accès à l’information
environnementale.
Tant au Royaume-Uni qu’en France,
c’est par la transposition de la Directive 90/313/CEE qu’a été introduit en
droit national le droit d’accès aux informations environnementales. [5] Cette transposition a eu lieu en Angleterre
en 1992, tandis qu’en France uniquement en 2001.[6]
Le
droit général d’accès à l’information administrative, est aussi consacré, tant
en France qu’au Royaume-Uni, par des dispositions législatives spécifiques.
Pourtant, en France, ce dernier inclut le droit d’accès à l’information
concernant l’environnement (sous réserve de certaines adaptations) tandis qu’en
Angleterre l’information environnementale est détachée du droit général d’accès
à l’information administrative. Cette dissemblance, mineure en apparence,
témoigne d’une conception profondément divergente dans l’approche opérée par
chaque législateur national en ce qui concerne la prise en compte de la
politique de protection de l’environnement lors de la transposition de la
Directive 90/313/CE. Mais ce n’est pas la seule différence, et nous examinerons
aussi comment les divers obligations mises à la charge des Etats par la
Directive ont été transposées en droit national et nous tenterons de voir
quelle a été la transposition la plus réussie, c’est a dire la plus conforme à
l’esprit et au but du législateur communautaire. Il doit être noté que le 29
juin 2000, la Commission a présenté une proposition de directive concernant
l'accès du public à l'information environnementale,[7] qui est destinée à remplacer la directive
90/313. L'objectif de la révision est de corriger les défauts apparus lors de
la mise en œuvre de la directive 90/313, d’aligner la législation communautaire
sur la Convention d'Aarhus de 1998,[8] et enfin adapter la directive 90/313 à
l'évolution des nouvelles technologies de l'information. Le projet de Directive
est actuellement toujours en discussion devant le Parlement européen, et
l’adoption du texte est attendue avant la fin de l’année.[9] Nous nous référons donc aussi aux dispositions du projet de cette nouvelle
directive.
Nous commencerons par analyser
comment les normes juridiques transposant la Directive 90/313/CEE dans chaque
pays examiné se combinent avec les dispositions législatives consacrant un droit général d’accès aux informations
administratives. Par la suite, nous analyserons la manière dont ont été
transposés divers éléments de la Directive dans chaque pays, puis nous
tenterons d’examiner les conclusions qu’on peut tirer de cette comparaison tant
sur un plan théorique que pratique.
Comme cela a déjà été mentionné en
introduction, la Communauté Européenne a concédé très tôt dans son histoire des
efforts afin de garantir l’accès du public aux documents détenus par les
autorités publiques des Etats-membres.[10] En effet, depuis 1990, la Communauté
avait adopté la Directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la
liberté d'accès à l'information en matière d'environnement, visant à améliorer
la transparence concernant les informations relatives à l’environnement
détenues au niveau des administrations nationales.
Une des différences majeures entre
la France et l’Angleterre en ce qui concerne les normes résultant de la
transposition de la Directive 90/313/CEE est la préexistence ou pas des régimes
consacrant un droit général à la transparence administrative au moment de la transposition.
En France il existait depuis
longtemps une tradition de transparence lorsque a été adoptée la Directive
90/313/CEE. Au contraire au Royaume-Uni, la Directive 90/313/CEE a été le
premier instrument juridique à instituer un droit d’accès au profit des
citoyens (même si limité aux seuls documents concernant l’environnement). Par
la suite, et uniquement en l’an 2000, le législateur britannique a institué un
régime général. Par conséquent, le droit général d’accès à l’information
administrative, est consacré, tant en France qu’au Royaume-Uni, par des
dispositions législatives spécifiques. Pourtant, en France, ce dernier inclut
le droit d’accès à l’information concernant l’environnement (sous réserve de
certaines adaptations) tandis qu’en Angleterre l’information environnementale
est détachée du droit général d’accès à l’information administrative. Nous
tenterons d’examiner cette dissemblance qui est une des facettes les plus
intéressantes concernant la manière dont a été transposée la Directive 90/313/CEE
en France et en Angleterre.
Afin de permettre une meilleure
compréhension du rapport qui existe en droit anglais entre le régime général
consacrant un droit d’accès aux informations détenues par des personnes
publiques et le régime d’accès à l’information environnementale, il convient
dans un premier temps de décrire la première réglementation qui a crée un droit
d’accès à l’information à portée générale en Angleterre,[11] c’est à dire la réglementation spécifique
qui a transposé en droit anglais la Directive 90/313 sur l’accès à
l’information environnementale (1). Il convient aussi, dans un deuxième temps
d’examiner brièvement le régime général d’accès, tel qu’il résulte de la Loi
sur la Liberté d’Information de 2000 (2) et surtout d’examiner la place
respective de ces deux régimes en droit anglais.(3).
La Directive 90/313 concernant la
liberté d'accès à l'information en matière d'environnement, a été transposée en
droit anglais par le Règlement sur l’Information Environnementale de 1992 (Environmental Information Regulations 1992).[12] Ce règlement (statutory instrument)
a été adopté par le Secrétaire d’Etat sur le fondement de la délégation
législative que lui a accordé la European
Communities Act 1972, la loi qui a transposé en droit anglais la
règle de la suprématie du droit communautaire sur le droit national. Par
conséquent, le règlement suit de très près les dispositions de la Directive,
car le Secrétaire d’Etat ne peut pas accorder, sur le fondement de cette
disposition, plus de droits que ceux accordés par la Directive communautaire
qu’il transpose.[13]
Les dispositions de cette réglementation suivent de près le texte de la Directive 90/313. Il y est prévu que toutes les autorités publiques ayant des responsabilités concernant l’environnement doivent communiquer à tout demandeur toute information qu’ils détiennent et qui est en rapport avec l’environnement. Les autorités publiques visées incluent le gouvernement central, les collectivités locales, les organismes publics contrôlés par des personnes publiques et les personnes privées chargées de la gestion de services publics.[14]
Comme nous le verrons plus en détail par la suite, l’article 2 de la réglementation, définit d’une manière large l’information concernant l’environnement comme étant toute donnée sur la qualité de l’air, du sol, de l’eau, de la flore, de la faune, des habitats et de toute autre espace. Sont incluses aussi toutes activités pouvant affecter ces domaines, ainsi que toutes mesures visant à les protéger. L’information quant à elle, peut se trouver sur n’importe quel support matériel.
Il doit être noté que le gouvernement Britannique a récemment proposé de réformer la réglementation en la matière en vue de transposer en droit anglais la convention internationale d’Aarhus et le projet de nouvelle Directive sur l’information environnementale qui est en discussion au Parlement européen. Cette réforme[15] a pour but principal d’aligner les dispositions procédurales du régime d’accès aux informations concernant l’environnement sur les dispositions équivalentes (délais, coûts etc) du régime général et aussi d’introduire un contrôle de proportionnalité entre l’intérêt public à communiquer l’information et l’intérêt public au secret dans le régime environnemental.
La réforme aboutira à l’adoption d’un régime qui tout en étant fondé sur la réglementation précédente de 1992, sera plus libéral car fondé sur la Convention d’Aarhus de 1998, plus libérale que la Directive 90/313/CEE.[16]
La Loi sur la liberté d'information
de 2000 (Freedom of Information Act 2000),
a permis au Royaume-Uni de ne plus être le seul pays membre de l’Union
Européenne à ne pas reconnaître un droit général d’accès à l’information
détenue par les personnes publiques ou assimilées.[17] Cette Loi, qui a été ratifiée par la
Reine le 30 novembre 2000 est, comme cela est de coutume au Royaume-Uni pour
tous les textes législatifs, très détaillée. Elle doit entrer en vigueur par
étapes à partir de novembre 2002,[18] l’entrée en vigueur de toutes les
dispositions étant prévue en janvier 2005.
La Première partie de la loi
consacre au profit de toute personne sans distinction de nationalité (any person) un droit à obtenir
communication de toute information non-personnelle détenue par les personnes
publiques. Les personnes publiques visées sont la quasi-totalité des autorités
de niveau central, régional et local ainsi que les entreprises nationalisées et
les personnes privées exerçant des fonctions de nature publique. La loi
s'applique aussi aux entreprises publiques, c’est à dire aussi aux entreprises
appartenant en totalité à des personnes publiques ou qui sont dirigées par des
personnes publiques.
Les personnes désireuses d’obtenir
communication d’informations détenues par les personnes visées par la loi,
n’ont pas à justifier d’un intérêt à agir afin de pouvoir exercer leur droit
d’accès. Les personnes demanderesses se voient reconnaître deux droits
intimement liés : le droit susmentionné d’accès et de communication des
documents administratifs, mais aussi le droit à ce que l'administration indique
si elle dispose de l’information décrite dans une requête.[19] Ce droit est le complément nécessaire à
l'exercice de la liberté de communication des documents administratifs, puisque
afin de demander communication d'informations le citoyen doit connaître quelle
autorité détient des informations qu'il désire avoir.
La deuxième partie de la loi
prévoit les catégories d’informations exclues de la communication. En effet, le
droit d'accès tout en étant très largement ouvert à toute personne ne
s'applique pas à toutes les informations détenues par l'administration. Le
principe posé par la loi est que sont communicables tous les documents sauf
ceux spécifiquement exclus du droit d'accès tels qu'ils sont décrits en sa
partie II (sur ces exclusions voir infra).
Il est important de noter qu’une catégorie d’informations exclues de toute
communication sous ce régime général, sont les informations relatives à
l’environnement.
Concernant les modalités pratiques
du droit d’accès, la loi est très précise sur ce sujet, contrairement aux
règlements sur l’information environnementale. Les coûts engendrés par la
communication sont à la charge du demandeur. L'administration est tenue de procéder à la
communication des informations demandées dans un délai de 20 jours ouvrables à
compter du lendemain du dépôt de la demande. La communication de l'information
peut avoir lieu, au choix du requerrant, si cela est jugé raisonnable par
l’administration, sous trois formes. Premièrement le requérant peut consulter
les informations sur place, dans les locaux de l'administration détentrice.
Deuxièmement, l'administration peut lui fournir une copie des informations sur
un support papier ou tout autre support acceptable pour le requérant. Et
troisièmement, l'administration peut fournir une compilation ou un résumé des
informations demandées sur un support papier ou tout autre support acceptable
pour le requérant.
Les parties IV et V de la loi prévoient
des possibilités de contestation des décisions de refus de communication
d’informations et de communication partielle d’informations. La loi a voulu
créer une nouvelle autorité indépendante du gouvernement, afin qu'elle examine
les difficultés qui peuvent surgir lors de l'application de la loi sur la
liberté d'information; il s'agit du Commissaire d’Information (Information Commissioner) organe dont nous
examinerons les pouvoirs et compétences par la suite.
Comme cela a été mentionné plus haut, la Freedom of Information Act 2000 est
applicable à toutes les informations détenues par les personnes publiques ou
assimilées entrant dans le champ d’application de la loi, sauf aux informations
contenues dans les catégories exclues de la communication. La section 39 de la
loi prévoit que sont en principe incommunicables les informations qui sont
incluses dans le champ de la réglementation spécifique sur l’accès aux
documents concernant l’environnement adoptée afin de transposer en droit
national les dispositions sur l’information environnementale de la Convention
d’Aarhus. Cette réglementation spécifique n’existe pas encore, mais il est
prévu qu’elle sera adoptée avant la fin de l’année 2002 sur le fondement de la
délégation législative accordée au gouvernement en cette fin par la section 74
de la loi. Ce nouveau règlement, remplacera le régime existant sur l’accès à
l’information environnementale décrit plus haut. Le but du législateur est
d’éviter, autant que possible, que
deux régimes distincts soient applicables aux même types d’informations.
Pourtant cette exclusion n’est pas absolue
et donc la loi sur la Liberté d’Information conserve un rôle subsidiaire en la
matière.[20] En effet, en tant qu’exclusion relative,
les autorités compétentes doivent procéder à un contrôle de proportionnalité
entre l’intérêt public à la
divulgation et l’intérêt public au secret. Si les informations demandées sont
communicables aux termes de la réglementation spécifique sur l’information
environnementale, ce contrôle de proportionnalité ne s’applique pas.[21] Par contre, si les informations demandées
ne sont pas communicables en application de cette réglementation spécifique,
alors les autorités détentrices de l’information devront effectuer ce contrôle
de proportionnalité et en fonction du résultat procéder ou pas à la communication.
Cette solution s’explique par le fait
qu’en Grande-Bretagne, l’autorité gouvernementale responsable en matière du
droit d’accès aux informations environnementales, est le Département de
l’environnement, de la Nourriture et des Affaires rurales.[22] Pourtant, c’est le Home Office (l’équivalent du Ministère de
l’intérieur en France) qui a introduit et soutenu devant le parlement de
Westminster le vote de la Loi sur la Liberté d’Information de 2000 qui a
consacré le régime d’accès général aux informations administratives. Le
Département de l’Environnement, a pour sa part insisté à ce que l’information
concernant l’environnement soit totalement exclue du champ du droit d’accès
général, car il était considéré comme un droit trop limité par rapport au droit d’accès reconnu par le
régime de 1992 résultant de la transposition de la Directive 90/313.[23] En conséquence de ces actions, la loi sur
la liberté d’information en son article 34 a quasiment totalement exclu de son
champ d’application les informations sur l’environnement.
En France, contrairement au
Royaume-Uni, le principe du droit d’accès aux documents administratifs était
déjà acquis depuis plus de dix ans lorsque a été adoptée la Directive
90/313/CEE. Le législateur ayant estimé que le régime général était déjà
conforme aux acquis de la Directive, n’a pas immédiatement procédé à une transposition spécifique.
Mais la France a quand même du adapter son régime aux exigences communautaires
en 2001, la commission ayant entamé une procédure de recours en manquement
devant la Cour de Justice des Communautés Européennes.
Le droit
français, en ce qui concerne l'accès aux documents administratifs est régi par
la Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978[24] qui pose le
principe que tout citoyen peut avoir accès à tout document administratif (sauf
ceux protégés par un secret), sur quelque support matériel qu’il se trouve,
sans avoir à justifier d’un intérêt personnel. Cette loi est aussi complétée
par une série de Décrets et d’arrêtés ministériels pris pour son application et
réglant certains détails procéduraux sans modifier les principes posés par la
loi.[25] Puis le système a
été rendu plus cohérent[26] par une reforme
récente effectuée par la loi n°2000-321 du 12 avril 2000.[27] Ces dispositions
sont applicables à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux Etablissements
Publics, et aux organes publics ou privés chargés de la gestion de missions de
service public.
La loi distingue deux catégories de
documents: les documents communicables et les documents non communicables. Les
premiers sont énumérés dans la loi de manière non exhaustive. Il s’agit de
« tous dossiers, rapports, études, comptes
rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires,
notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit
positif ou une description des procédures administratives, avis, prévisions et
décisions ». En tout état de cause ce ne sont que des documents
« administratifs » et sur ce fondement sont écartés de la
communication les documents intéressant la fonction judiciaire ou législative
ou qui sont régis par le droit privé[28].
En ce qui concerne
les documents non communicables il convient de distinguer les documents
confidentiels, des documents personnels.
Les documents confidentiels, énumérés en
la partie I de l’article 6, sont
insusceptibles de communication car ils sont couverts par des secrets relatifs
au bon fonctionnement des pouvoirs publics ou à l’intérêt général, comme la
défense nationale, la sécurité publique et de façon générale, aux secrets
protégés par la loi. L’autorité détentrice de ces documents ne peut en aucun cas procéder à leur divulgation.[29]
Quant aux
documents nominatifs, ils ne sont pas susceptibles de communication sauf aux
personnes qui sont concernées par ces documents. Il s’agit des documents dont
la communication porterait atteinte au secret de la vie privée, des dossiers
personnels, au secret médical et au secret en matière commerciale et
industrielle, ainsi que des documents portant une appréciation ou un jugement
de valeur sur une personne physique identifiable ou faisant apparaître le
comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement
pourrait lui portait préjudice.
Parallèlement à
l’instauration du droit d’accès général aux documents administratifs, la loi du
17 juillet 1978 a créé une nouvelle autorité administrative, la Commission
d’Accès aux Documents Administratifs (CADA),[30] chargée de veiller
au respect de l’application de cette même loi, institution que nous examinerons
plus en détail plus bas.
En France, contrairement à
l’Angleterre, il n’existe pas de régime spécifique transposant la Directive
90/313/CEE et consacrant un droit général à accéder aux informations concernant
l’environnement. Seul existe le régime général établi par la loi du 17 juillet
1978. Ce régime comme nous le verrons, a subi quelques adaptations en 2001,
afin de devenir conforme aux exigences de la Directive.
Le premier texte à portée générale
qui a consacre un principe général à l’accès aux informations concernant
l’environnement est l’ancien article L200-1 du code rural tel que résultant de
la loi Barnier de 1995.[31] Aujourd’hui, ce texte figure à l’article
L110-1 du Code de l’Environnement.[32] Cet article dispose que la protection de
l’environnement s’inspire du « … principe
de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à
l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités
dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets
ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du
territoire ». Cette disposition consacre un principe qui
apparaît dénué de
toute portée normative ou, en tout état de cause, qui ne paraît pas
pouvoir avoir de grandes incidences pratiques.
La seule affirmation de ce principe
à caractère très général, combiné avec l’existence du régime d’accès général de
1978 ont semblé à la Commission Européenne insuffisants pour constituer une
transposition correcte de la directive 90/313. La commission a donc entamé un
recours en manquement devant la Cour de Justice des Communautés Européennes, et
la France a du adopter des dispositions spécifiques à l’information
environnementale, plus de dix ans après la fin du délai prévu pour la
transposition.[33] Il s’agit du titre IV de l’Ordonnance no 2001-321 du 11 avril
2001[34] qui insère un nouveau chapitre dans le
Code de l’Environnement intitulé : « Liberté d'accès à l'information relative à
l'environnement » et comportant un seul article, l’article L 124-1. Cet article
est divisé en trois parties et renvoie pour l'essentiel aux dispositions de la
loi du 17 juillet 1978, tout en prévoyant quelques adaptations.
La première partie de cet article
mentionne que le régime d’accès aux informations sur l’environnement est régi
par les dispositions du régime général sous réserve des dispositions
mentionnées en les deux autres parties. Cette partie mentionne aussi que ces
dispositions ne sont applicables qu'aux autorités publiques ayant des
responsabilités en matière d'environnement. Il est intéressant de constater
qu’aucune définition du terme environnement n’est donnée.[35]
La deuxième partie de l’article L
124-1 du Code de l’Environnement, comme nous le verrons en détail infra, distingue les catégories de documents exclus de la
communication sous ce régime.
La troisième partie de la loi
consacre explicitement la communication partielle de documents, lorsqu’il est
possible de retirer d’un document les données couvertes par un secret. Il
s’agit d’une technique déjà consacrée en droit français par la jurisprudence de
la CADA et des juridictions administratives,[36] mais elle n’avait jamais encore été
incluse dans un texte législatif.
En définitive, il est clair de ce
qui précède, que le législateur français n’a pas voulu créer comme en
Angleterre un régime spécifique concernant les documents relatifs à
l’environnement, mais s’est limité à un simple renvoi aux dispositions de la
loi du 17 juillet 1978, tout en prévoyant quelques adaptations nécessaires afin
de rendre le régime conforme aux exigences communautaires et ainsi éviter une
condamnation par la Cour de Justice des Communautés Européennes.
Il vient d’être démontré qu’en France,
contrairement à la solution anglaise, il n’existe pas de régime d’accès
distinct du régime général,
puisque les dispositions législatives adoptées afin de transposer la Directive
90/313/CEE se bornent à renvoyer aux dispositions du régime général. En Angleterre, au contraire, l’application
du régime environnemental exclu l’application du régime général. Par
conséquent, il est apportant d’examiner comment dans ces deux systèmes
juridiques a été transposée la notion d’information relative à
« l’environnement » étant donné que l’existence de telles
informations dans les mains d’une autorité publique, conditionne l’application
de la Directive 90/313/CEE.
La Directive 90/313/CEE adopte une
définition large de la notion d’information relative à l’environnement. Cette
notion est définie à l’article 2(a) de la Directive comme étant « toute information disponible sous forme écrite,
visuelle et sonore ou contenue dans des banques de données, qui concerne l'état
des eaux, de l'air, du sol, de la faune, de la flore, des terres et des espaces
naturels, ainsi que les activités (y compris celles qui sont à l'origine de
nuisances telles que le bruit) ou les mesures les affectant ou susceptibles de
les affecter et les activités ou les mesures destinées à les protéger, y
compris les mesures administratives et les programmes de gestion de
l'environnement ». La définition adoptée en droit anglais à
l’article 2(2) de l’Evironmental Information
Regulations 1992, est calquée sur les termes de la définition de la
Directive sans lui apporter de modification substantielle. Il est donc clair
que le législateur anglais n’a pas voulu s’éloigner de la définition donnée par
la Directive.
La proposition de nouvelle
Directive adopte une définition beaucoup plus large de la notion d’information
relative à l’environnement de manière à inclure les informations se rapportant
à l'état de l'environnement, aux facteurs, mesures ou activités affectant ou
susceptibles d'affecter l'environnement ou visant à le protéger, aux analyses
coûts-avantages et aux autres analyses économiques utilisées dans le cadre de
ces mesures ou activités, ainsi que les informations relatives à l'état de
santé de l'homme, à sa sécurité, et à ses conditions de vie, aux sites culturels
et aux structures bâties dans la mesure où ils sont affectés ou pourraient être
affectés par un de ces éléments. Il est intéressant de constater que la
nouvelle réglementation anglaise actuellement en préparation, ne s’éloignera
pas elle-aussi de la définition communautaire. En effet, la Draft Environmental Information Regulations 2002
adopte sans différences substantielles la définition donnée par la proposition
de nouvelle Directive.
La position française est
diamétralement opposée à celle adoptée en droit anglais. En effet, le droit
français est caractérisé par une absence totale de définition de la notion
d’informations relatives à l’environnement. En effet, l’article L124-1 du Code
de l’Environnement se réfère uniquement à « l’accès à l’information
relative à l’environnement », sans donner aucune précision supplémentaire
sur l’étendue et le contenu de cette notion.
Cette absence de définition
s’explique par le fait qu’en France l’utilité d’une telle définition n’a pas
été jugée nécessaire. En effet, comme le souligne le rapport présente au
Président de la République avant l’adoption de cette ordonnance, une telle
définition n’est pas nécessaire car la notion d’environnement « se
comprend par elle-même »[37] et qu’en cas de difficultés, elle sera
interprétée à la lumière de la directive. Pourtant, cette absence de définition
précise entraînera certainement des problèmes d’application, étant donné qu’il
faudra déterminer lequel des deux régimes (le régime général ou spécifique à
l’environnement) est applicable afin d’appliquer les différentes exceptions à
la divulgation prévues par chaque texte.
En tout état de cause, une
définition claire et précise de la notion d’information relative à
l’environnement est nécessaire dans le contexte anglais, où contrairement au
système français, coexistent deux régimes d’accès aux informations (le régime
général et le régime environnemental) qui se concurrencent l’un l’autre, étant
donné que l’application du régime environnemental exclu l’application du régime
général. Dans un tel contexte, l’étendue de la notion d’informations relatives
à l’environnement doit être claire afin de rendre possible la délimitation du
champ d’application respectif de chaque droit d’accès. Par conséquent, il est
intéressant de constater qu’une définition large de la notion d’informations
relatives à l’environnement, aboutit dans le système anglais à une augmentation
du champ du droit d’accès aux information environnementales, et automatiquement
diminue le champ d’application du champ général. Dans le système anglais, où le régime d’accès
environnemental exclu le régime général, l’adoption de la solution française
(c’est à dire le choix de ne pas définir le terme « information
environnementale »), aurait conduit à une grande incertitude en ce qui
concerne le régime applicable. Au contraire, en France, du fait qu’il n’existe
en fait qu’un seul régime d’accès, ce seront toujours les mêmes règles qui
seront applicables (sous réserve de certaines distinctions mineures dans le cas
d’informations sur l’environnement).
Comme nous l’avons examiné plus en
amont, la Directive 90/313/CEE se borne à établir un droit d’accès aux
informations sur l’environnement détenues par les personnes publiques au profit
de toute personne sans que celle-ci soit obligée de faire valoir un intérêt, à
fixer le délai maximum de réponse au demandeur, à limiter le montant des coûts
pouvant être demandés au demandeur, à décrire limitativement les raisons
pouvant justifier un refus de communication et à prévoir qu’un recours doit
être possible contre toute décision de refus. La Directive ne décrit pas plus
en détail les modalités pratiques d’exercice du droit d’accès. Pourtant, afin
d’assurer non seulement un droit d’accès efficace dans toute la communauté et
d’éviter comme le mentionne la Directive elle-même que « l'existence de disparités entre les
législations en vigueur dans les États membres concernant l'accès à
l'information en matière d'environnement détenue par les autorités publiques [puisse]
créer, au sein de la Communauté, une
inégalité dans l'accès à l'information et/ou dans les conditions de concurrence »[38] il est nécessaire que les modalités
pratiques d’obtention de l’information soient uniformes dans les différents
pays. En effet, des procédures très compliquées et disparates pourraient avoir
comme conséquence la limitation indirecte du droit d’accès.
Pourtant, en ce qui concerne les détails des modalités
pratiques selon lesquelles l'information doit être effectivement rendue
disponible à tout demandeur (outre la question des coûts, du délai maximum de
communication et des modalités de refus de communication et des moyens de
recours), la Directive dispose au paragraphe 1 de son article 3, qu’il
appartient à chaque Etat-Membre de les définir. En effet, le texte de la
Directive mentionne que : « Les
États membres définissent les modalités selon lesquelles l'information est
effectivement rendue disponible ». Le droit communautaire ne pose pas lui-même les détails des
modalités d’exercice du droit d’accès, mais opère une sorte de délégation au profit des décideurs
nationaux. Sur les solutions adoptées dans les deux systèmes juridiques
examinés, on peut dire qu’elles ne différent pas fondamentalement, même si
elles peuvent paraître très différentes en apparence.
En ce qui concerne les modalités
pratiques du droit d’accès, la solution adoptée en droit anglais est
intéressante car elle se borne a répéter les dispositions de la Directive, sans
prévoir les détails des modalités pratiques de communication, comme il
appartient à chaque état de le faire.
La réglementation anglaise en la
matière, la Freedom of Environmental
Information Regulations 1992, dispose que le délai maximum de
réponse de la part des autorités publiques est de deux mois. Il est aussi
mentionné que la communication peut être subordonnée au paiement des coûts
entraînés par le demandeur. Est aussi prévue la possibilité de refuser
d’honorer les demandes trop vagues ou manifestement irraisonnables. En ce qui
concerne les autres modalités pratiques concernant notamment les moyens de
communication (consultation sur place, ou par le biais de photocopies ou de
méthodes électroniques) le règlement est totalement muet sur cette question de
la même manière que la Directive ne dispose rien à ce sujet puisqu’il
appartient à chaque état de le faire. Le règlement anglais au lieu de prévoir
de manière uniforme les détails de la communication, permet à chaque autorité
publique visée de mettre en place
une politique propre de communication. Etant donné que la Directive elle-même
délègue aux Etats le soin d’organiser les modalités pratiques de la
communication, on pourrait s’interroger sur la validité de cette sous-délégation par le législateur national
aux différentes autorités publiques. En effet, selon Andrew Waite,[39] cette solution est contraire aux termes
de la Directive qui dispose qu’il appartient aux états membres de prévoir les
modalités de communication et ne mentionne pas expressément la possibilité de
déléguer cette responsabilité aux autorités publiques concernées. De plus,
cette technique de sous-délégation, pourrait résulter en des pratiques
divergentes en fonction de la politique adoptée par chaque personne publique.[40] Même si ces arguments paraissent
convaincants, cette question va bientôt perdre son intérêt pratique, étant
donné le remplacement avant la fin de l’année du règlement en vigueur par un
système beaucoup plus détaillé et centralisé, s’inspirant du régime d’accès
général.
En effet, ce projet de nouveau
règlement prévoit qu’il n’appartiendra plus à chaque autorité publique visée de
définir les modalités selon lesquelles sera opérée la communication des
informations demandées. La nouvelle réglementation actuellement en préparation
ne retient plus la solution de la sous-délégation, mais dispose de manière très
détaillée comment les autorités publiques doivent répondre aux demandes de
communication d’informations sur l’environnement. Le projet de réglementation
dispose que les autorités publiques doivent répondre dans le délai d’un mois
maximum aux demandes de communication et que tout refus doit être motivé et
notifié par écrit. Il est de plus prévu des possibilités de contestation des
décisions de refus de communication d’informations et de communication
partielle d’informations auprès des nouvelles autorités crées par la Freedom of Information Act 2000 : l’Information Commissionner et l’Information Tribunal. De plus, en ce qui
concerne les moyens de communication (consultation sur place, ou l’obtention de
photocopies ou de supports électroniques) le projet de règlement prévoit que
les autorités détentrices des informations doivent satisfaire le choix du
demandeur sauf si un autre format est plus raisonnable.
En résumé, il apparaît que la solution
initiale adoptée en droit anglais, la sous-délégation au profit des autorités
publiques visées par la Directive, va être abandonnée au profit non seulement
d’un régime détaillé et identique pour toutes les autorités publiques, mais
aussi calqué sur les dispositions procédurales du régime général. Le système
français au contraire, en ce qui concerne les procédures d’accès n’adopte pas
des dispositions spécifiques aux informations environnementales ni opère une
sous-délégation, mais renvoi aux dispositions procédurales régissant le droit
d’accès général.
En ce qui concerne la France, comme
mentionné plus haut, la Directive 90/313/CEE a été transposée par l’article
L124-1 du Code de l’Environnement, qui renvoi aux dispositions de la loi du 17
juillet 1978 sur le droit d’accès aux documents administratifs. Par conséquent
ce sont les dispositions procédurales du régime général qui sont applicables et
de ce fait en France il existe une seule procédure commune régissant l’accès
aux informations administratives, contrairement au régime actuel en angleterre.
Pourtant, après l’adoption du nouveau régime environnemental anglais qui
répétera les détails procéduraux du régime général, en Angleterre aussi il y
aura en pratique uniquement un seul régime procédural.
La Directive en son article 5,
mentionne que Les Etats peuvent subordonner toute communication d’informations
au paiement d'une redevance sans toutefois que celle-ci puisse excéder un
« montant raisonnable ». Il s’agit d’un terme très vague dont
plusieurs interprétations sont possibles. Pourtant la proposition de nouvelle
Directive n’apportera pas beaucoup plus de précisions et maintiendra très
probablement ce terme.
La solution adoptée par le
législateur anglais est simple : c’est de ne pas définir le terme de
montant raisonnable mais simplement de prévoir que les autorités saisies de
demandes d’information peuvent subordonner toute fourniture d’informations au
paiement des coûts raisonnables entraînés par la communication. Cette solution
ne sera pas modifiée dans le nouveau régime anglais. On constate donc que le
problème de la définition de ce terme n’est pas résolu mais simplement renvoyé
aux autorités responsables de la communication, ce qui pourra entraîner des
divergences d’application.
En France, tout au contraire, les
coûts sont fixés de manière centralisée par le gouvernement. La loi du 17
juillet 1978 (à laquelle renvoi le régime environnemental pour les dispositions
procédurales) dispose en son article 4 que les coûts de reproduction des
documents demandés incombent en totalité au demandeur mais que ces coûts ne
peuvent excéder le coût de la reproduction des documents. Cet article dispose aussi que les
détails de cette disposition seront réglés par Décret. Le décret
no 2001-493 du 6 juin 2001[41] et pris pour l'application de l'article 4
de la loi, prévoit que les frais correspondant au coût de reproduction et, le
cas échéant, d'envoi des documents « peuvent » être mis à la charge
du demandeur. Le décret en
question dispose aussi qu’un arrêté déterminera le montant maximum de ces coûts
de reproduction, qui ne peuvent inclure les frais de personnel, mais uniquement
les frais de reproduction sur support papier ou informatique. Cet arrêté, n’a pas encore été édicté,
mais est toujours en vigueur l'arrêté du ministre du budget du 29 mai 1980 qui
fixe ce coût à 1 franc français par page pour les reproductions effectuées sur
un support papier.
Cette solution claire a le mérite
d’éviter des interprétations différentes du « montant
raisonnable » et ainsi évite
les désavantages du système anglais.
En ce qui concerne les recours
contre les rejets de demandes d'information ou les cas de non-réponse de la
part de l’administration, la Directive prévoit que les demandeurs insatisfaits
doivent pouvoir introduire un recours judiciaire ou administratif à l'encontre
de la décision, conformément à l'ordre juridique national en la matière. La
directive permet donc aux Etats d’opérer un choix entre organiser une procédure
de recours devant un organe administratif (recours administratif) ou devant un
juge (recours juridictionnel). La nouvelle Directive au contraire supprimera ce
choix et obligera les Etats à organiser tant une procédure administrative que contentieuse.
En Angleterre les règlements ayant
transposé la Directive ne prévoient expressément aucune voie de recours. Donc,
étant donné qu’il n’existe pas de recours spécifique devant une instance
spécialisée, en cas de difficultés de communication la seule possibilité de
recours est le recours contentieux classique du judicial review,[42] qui est une procédure juridictionnelle
coûteuse et incertaine. Le
législateur anglais a donc opté par son silence pour ce seul recours
juridictionnel.
Tout au contraire en France, il
existe tant un recours administratif que juridictionnel. Pour décider des
recours administratifs est compétente la
Commission d’Accès aux Documents Administratifs qui est une autorité
administrative indépendante ayant pour mission, selon l’article 5 de la loi du
17 juillet 1978, de « veiller au respect de la liberté d’accès aux documents
administratifs ».[43] Les administrés
confrontés à des difficultés de communication, ou les administrations
confrontées à une demande de communication, peuvent saisir la Commission
d’Accès aux Documents Administratifs et lui demander d’emmètre un avis sur la
communicabilité ou pas du document demandé ou sur les modalités de sa
communication. Il s’agit d’un avis non
obligatoire pour l’administration, qui est libre de passer outre ce
dernier,[44] mais cette saisine
est un préalable obligatoire à tout recours contentieux devant le juge
administratif. Une fois la CADA ayant émis son avis et indépendamment de son
contenu favorable ou défavorable à la communication, si l’administration refuse
toujours de communiquer un document, un recours contentieux est possible devant
le juge administratif.
Mais
l’Angleterre s’alignera sur la France sur ce point. En effet, le nouveau
règlement environnemental anglais, utilisera la procédure administrative prévue
par le régime général de la Freedom of
Information Act 2000 : le recours devant l’Information Commissionner. Les pouvoirs du Commissaire sont très étendus dans
ce domaine, puisque contrairement à la CADA française qui n’émet que des avis
non-obligatoires, il peut substituer
sa décision à celle de l'autorité publique concernée. De plus, la loi lui
reconnaît de très fortes compétences d'investigation et lui permet même
d'entamer des poursuites pénales
contre les autorités publiques n’appliquant pas ses décisions. Un recours
juridictionnel est aussi institué contre les décisions du Commissaire devant le Tribunal d'Information (Information tribunal), un tribunal
administratif spécial, créé par cette même loi et qui a comme seule compétence
de juger les recours contre les décisions du Commissaire d’Information. Les
personnes pouvant recourir devant ce Tribunal, peuvent par la suite, interjeter
appel contre sa décision devant la Haute Cour de Justice ou la Cour des
Sessions en Ecosse, uniquement sur des points de droit. Dans ce cas, c'est la
procédure contentieuse classique du judicial
review qui est applicable.
Par conséquent, même si dans un
futur proche en Angleterre comme en France il existera tant une procédure
administrative que contentieuse, la procédure administrative sera distincte du
fait qu’en France les décisions prises dans ce cadre ne seront pas obligatoires
pour l’administration, contrairement à la solution anglaise.
Le droit d’accès aux informations
environnementales n’est pas absolu, mais se trouve limité par des intérêts
légitimes comme la vie privée ou la défense nationale. Le droit d'accès tout en
étant très largement ouvert à toute personne ne s'applique pas à toutes les
informations détenues par l'administration. Le principe posé par la Directive
est que sont communicables tous les documents sauf ceux spécifiquement exclus.
La Directive contient en son article 3, paragraphe 2, toute une liste de motifs
pouvant justifier un refus de communication. Il s’agit des informations ayant
trait à la confidentialité des délibérations des autorités publiques, des
relations internationales ou au secret de la défense nationale; à la sécurité
publique; à des affaires qui sont ou ont été pendantes devant une juridiction
ou qui font ou qui ont fait l'objet d'une enquête (y compris d'une enquête
disciplinaire) ou qui font l'objet d'une instruction préliminaire; au secret commercial
et industriel, y compris la propriété intellectuelle; à la confidentialité des
données personnelles; aux données fournies par un tiers sans qu'il y soit
juridiquement tenu; aux données dont la divulgation aurait plutôt pour effet de
porter atteinte à l'environnement auquel elles se réfèrent. Outre ces causes de
refus, une demande d'information peut aussi être rejetée lorsqu'elle suppose la
communication de données ou de documents inachevés ou de communications
internes ou lorsqu'elle est manifestement abusive ou formulée d'une manière
trop générale. Dans tous ces cas, la Directive prévoit que si une information non couverte par
une exclusion peut être séparée d’une autre tombant sous le couvert d’un secret,
la première doit si possible être communiquée séparément.
Le point essentiel est que la Directive
indique que les états « peuvent » opposer un refus à une demande
d'information lorsque celle-ci a trait à un de ces domaines. Les états restent
donc libres de ne pas limiter sur ces fondements le droit d’accès. Tant la
France que l’Angleterre ont adopté l’intégralité de ces motifs de refus, même
s’ils sont formulés de manière différente dans les textes nationaux. Mais ce
qui est intéressant de constater est que les deux pays ont créé deux types d'exclusions:
les exclusions absolues et les exclusions relatives, une distinction non prévue
par le texte de la Directive. La différence tient au pouvoir discrétionnaire
accordé à l'administration, qui lorsque est confrontée à une demande d'accès à
des informations relevant des exceptions relatives n'est pas obligée de refuser
leur divulgation mais se voit accorder un pouvoir discrétionnaire de procéder à
la communication. Au contraire, dans le cas d’informations relevant
d’exclusions absolues, elle est tenue de refuser toute communication.
Même si les deux pays examinés ont adopté
ces deux catégories d’exclusions à la communication, un examen attentif des
exceptions rangées dans chaque catégorie démontre que le régime anglais est
plus libéral.
Les Environmental Information Regulations 1992 distinguent deux
catégories d’informations exclues de communication. La première catégorie,
contient les informations qui ne doivent
en aucun cas être communiqués (exceptions absolues). Il s’agit des informations
personnelles contenues sur des fichiers relatifs à un individu, des
informations dont la divulgation aurait pour conséquence la rupture d’un devoir
de confidentialité découlant d’un accord ou de la loi, d’informations fournies
par des tiers sans être juridiquement tenus de le faire et enfin d’informations
dont la divulgation pourrait nuire à l’environnement. La deuxième catégorie, contient les informations
dont la divulgation est possible à la discrétion de l’autorité détentrice
(exceptions relatives). Il s’agit
d’informations concernant la sécurité nationale, les secrets
commerciaux, les procédures juridictionnelles ou autres et les communications
internes ainsi que les documents non finalisés. Le
règlement n’indique pas de quelle manière ce pouvoir discrétionnaire doit être
exercé, mais la Cour de Justice des Communautés Européennes a indiqué dans
son arrêt Mecklenburg[45] que les exceptions au droit d’accès doivent être nécessaires à la
sauvegarde de l’intérêt protégé. Donc on pourrait estimer sur le fondement de
cette décision que les autorités détentrices d’informations couvertes par un
secret doivent exercer un contrôle de nécessité du maintien du secret et de la
non-divulgation des informations demandées.
Le projet de nouveau règlement,
modifie radicalement cette distinction. En effet, il est prévu que toutes les
exceptions seront des exceptions relatives. De plus, est précisée la manière
selon laquelle les autorités saisies de demandes de communication
d’informations couvertes par un secret doivent procéder. Elle doivent opérer un
bilan entre les intérêts contradictoires en jeux: l'intérêt public au maintien
du secret et l'intérêt public à ce que le document soit divulgué. En fonction
du résultat, la communication pourra être opérée ou pas. Il s’agira du même
contrôle d’intérêts contradictoires en jeux que celui du régime général
anglais, la Freedom of Information Act 2000,
mais serra étendu à toutes les catégories d’exclusions. En effet, la section 2
de la loi susmentionnée prévoit elle-aussi deux types d'exclusions: les
exclusions absolues (absolute exemptions)
et les exclusions relatives.
Les exclusions absolues sont
mentionnées limitativement dans la sous-section 3 de la section 2 de la Freedom of Information Act 2000. Lorsque
l’administration reçoit une demande concernant ces types d'information elle est
tenue de ne pas opérer la communication au requérant. Les exclusions sont
classées en huit catégories: 1) Les informations accessibles au public par
d'autres voies, 2) Les informations concernant ou détenues par des institutions
s'occupant d'affaires de sécurité de l'Etat, 3) Les informations relatives aux
procédures devant les juridictions, 4)
Les informations dont la divulgation constituerait une atteinte aux
privilèges du parlement, 5) les informations dont la divulgation pourrait
porter atteinte à la conduite effective des affaires publiques, et qui sont
détenues par une des deux chambres du parlement, 6) Les informations
constituant des données personnelles, au sens de la loi sur la protection des
données de 1998, 7) Les informations qui ont été fournies aux autorités
publiques par toute autre personne publique ou privée, et dont la divulgation
constituerait une rupture de secret (breach
of confidence), et 8) Les informations interdites de divulgation par
d'autres règles de droit.
Sont considérés comme des
exclusions relatives, toutes les autres exceptions au droit d'accès prévues par
la loi en sa deuxième partie. La différence tient au fait que, comme dans le
régime environnemental, l'administration lorsqu'elle est confrontée à une
demande d'accès à des informations relevant de ces exceptions n'est pas tenue
de refuser leur divulgation, mais par contre dans le régime général la loi
prévoit expressément comment elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de
communiquer ou pas. Elle doit
opérer un bilan entre les intérêts publics contradictoires en jeu: l'intérêt
public au maintien du secret et l'intérêt public à ce que le document soit
divulgué. En fonction du résultat de ce contrôle, dit test de nocivité (harm test), la communication doit être
opérée si l’intérêt général en faveur de la divulgation de l’information
dépasse l’intérêt général en faveur du maintien du secret.[46] Les domaines relevant des exclusions relatives sont les suivants: 1) Les
informations qui seront publiées à une date future, 2) les informations
concernant la sauvegarde de la
sécurité nationale, la défense, les relations internationales du
Royaume-Uni, les relations internes du Royaume-Uni, 3) les informations dont la
divulgation pourrait nuire à l'économie ou aux intérêts financiers du pays, 4)
les informations concernant des investigations criminelles, 5) les informations
concernant des procédures d'audit faites par une personne publique sur une
autre, 6) les informations concernant les attributions de toute distinction par
la Couronne ainsi que les communications entre les membres de la Famille Royale
et leur personnel, 7) les informations dont la divulgation pourrait mettre en
danger soit la santé mentale ou physique de tout individu, soit la sécurité de
tout individu, 8) les informations couvertes par un secret professionnel, les
informations qui pourraient porter préjudice aux intérêts commerciaux de toute
personne ou qui constituent un secret commercial, et enfin et surtout, 9) les
informations concernant l'environnement.
Il est intéressant de constater que du fait que le projet de nouveau règlement sur les informations environnementales comprendra uniquement des exclusions relatives, il sera plus libéral non seulement du régime environnemental actuel, mais aussi du régime général anglais, qui classent les exceptions en deux catégories.
La deuxième partie de l’article L
124-1 du Code de l’Environnement distingue les exceptions à la communication,
comme dans le régime anglais, en deux catégories. La première catégorie
comprend les documents insusceptibles de toute communication (exclusions
absolues). Pour ces exceptions le législateur renvoi au régime général. Il
s’agit des exceptions que contient l’article 6 de la loi de 1978, exception
faite de l’exception générale portant sur les secrets protéges par la loi,
jugée par la Commission comme élargissant à la discrétion du législateur
national le domaine des exceptions limitativement prévues par la directive. Il s’agit des secrets concernant la monnaie, le crédit public, le secret
commercial et industriel, la recherche des infractions fiscales ou douanières,
le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables du
pouvoir exécutif, la sûreté de l'Etat, la sécurité publique ou la sécurité des
personnes et la conduite de la politique extérieure de la France. Il est
intéressant de constater que tandis que ces exceptions sont classées en France
dans la catégorie des exclusions absolues, en Angleterre elles sont toutes
classées dans la catégorie des exclusions relatives. Donc le régime anglais
permettrait dans certains cas la communication d’informations entrant dans le
champ de ces exclusions et n’interdit pas totalement toute communication comme
en France.
La deuxième catégorie d’exceptions
du régime environnemental français concerne en premier lieu les données
fournies par un tiers sans qu'il y soit juridiquement tenu et qui n’a pas
consenti à leur divulgation, et en second lieu les informations dont la divulgation
aurait pour effet de porter atteinte à l'environnement auquel elles se
réfèrent. Concernant ces deux cas, il est prévu que l’administration
« peut » opposer un refus de divulgation (exclusions relatives). Le
législateur français accorde donc aux pouvoirs publics détenteurs de ce type
d’informations un pouvoir discrétionnaire de communiquer ou pas, mais ne
mentionne pas, comme dans le régime environnemental anglais actuel, quelque
critère pouvant aider l’administration dans l’exercice de cette possibilité.
Il est intéressant de constater que
la solution française se trouve à l’opposé du régime anglais qui lui classe ces
deux catégories d’exceptions en les exclusions absolues. Le législateur anglais
a donc voulu protéger d’une manière absolue les données fournies par des tiers
et l’environnement, en n’accordant aucune possibilité à l’administration de
communiquer ce genre d’informations contrairement à la solution française, qui tout en comprennent quasiment
uniquement que des exclusions absolues, est plus libérale sur ces deux points
précis.
En conclusion, après avoir examiné la
manière dont a été transposée en droit anglais et français la Directive
90/313/CEE, on aboutit à deux conclusions importantes.
Un examen des fondements sur
lesquels a été adoptée tant la Directive 90/313/CEE démontre que ce texte a
pour but l’amélioration de la protection de l’environnement.
En effet, le premier visa de la
Directive précise que la Directive a été adoptée sur le fondement du traité
instituant la Communauté Economique Européenne, et « notamment son article 130S ».
L’article 130S[47] prévoit que le Conseil décide des actions
nécessaires afin de réaliser les objectifs visés à l’article 130R.[48] Ce dernier article dispose qu’une
des politiques de la Communauté en
le domaine de l’environnement est la préservation, la protection et
l’amélioration de la qualité de l’environnement. Donc, il en résulte que la
Directive 90/313/CEE a été adoptée sur le fondement des compétences
communautaires en matière de protection environnementale.
Ce fondement juridique du droit d’accès aux informations
environnementales est l’élément fondamental qui distingue ce droit du droit
général d’accès aux informations administratives. A priori, on pourrait estimer
qu’il s’agit d’une différence tout au plus formelle. Pourtant, même si dans les
deux cas l’information obtenue sur le fondement de n’importe quel régime peut
être utilisée par ses détenteurs dans un but de protection de l’environnement,
l’existence d’un régime spécifique aux informations environnementales est en
soi une meilleure garantie de protection de l’environnement qu’un simple régime
général. En effet, étant donné que le juge national, lorsqu’il sera amené à
interpréter les dispositions nationales fondées sur la Directive 90/313/CEE, il
devra utiliser les dispositions des articles 174 et suivants du traité sur
l’Union Européenne comme aide interprétative et donc sera amené à adopter une
interprétation conforme à l’objectif poursuivi par la Directive : la protection
de l’environnement. Il devra donc aboutir à des solutions qui seront bénéfiques
pour l’environnement, même si elles peuvent avoir comme conséquence la
restriction du droit d’accès. Une telle conduite serait impensable en
application des régimes généraux qui n’ont pas pour but de protéger
l’environnement et qui ne le prennent pas en compte expressément. La meilleure
illustration de cette idée est l’exclusion de la communication des informations
dont la divulgation aurait plutôt pour effet de porter atteinte à
l'environnement auquel elles se réfèrent.[49] Non seulement une telle exception
n’existe pas dans les régime d’accès généraux, mais contrairement au principe
que les exceptions au droit d’accès doivent être interprétées de manière
restreinte afin de ne pas vider ce droit de sa substance, cette exception doit
être interprétée de manière large puisque la substance même du droit d’accès
environnemental est la protection de l’environnement. Par conséquent, il
devient clair qu’un régime d’accès environnemental permet une meilleure
protection de l’environnement qu’un simple régime général, comme cela a été le
cas en France jusqu’en 2001.
En France, le législateur a attendu
que la Commission Européenne entame une procédure en manquement devant la Cour
de Justice avant d’effectuer la transposition de la Directive 90/313. Cette
transposition, a eu lieu presque dix ans après la date limite fixée par la
Directive. Il doit aussi être noté que la transposition a été effectuée non pas
par le vote d’une Loi, mais par voie d’Ordonnance, ce qui démontre l’urgence
dans laquelle s’est trouvé le gouvernement.
Auparavant, le gouvernement avait
toujours considéré que le régime général de 1978 étant suffisant pour
transposer les objectifs de la Directive 90/313, aucune transposition
spécifique n’était nécessaire. Pourtant, la Commission a eu le dernier mot.
Si cette approche française est
analysée sous le prisme de la protection de l’environnement, on peut conclure
que le régime de 1978 était insuffisant pour englober la protection de
l’environnement puisqu’il ne trouve pas de base légale sur les dispositions
spécifiques des traites communautaires consacrant la protection de
l’environnement, et il ne contient
pas d’exception à la communication
concernant les informations qui sont susceptibles de porter atteinte à
l’environnement auquel elles se rapportent.[50] Donc, la non-transposition de la
Directive sur l’information environnementale pendant plus d’une décennie,
démontre que la protection de l’environnement était considérée comme moins
importante que la consécration d’une liberté d’accéder aux informations
détenues par les pouvoirs publics. D’ailleurs un auteur, Roseline Letteron,
avait considéré dans un article paru en 1995,[51] que le régime communautaire sur le droit
d’accès à l’environnement posait une menace sur le régime de 1978, ce dernier
étant plus libéral que la Directive. Ces approches témoignent d’un point de vue
selon lequel la consécration d’un droit général d’accès aux informations
administratives doit l’emporter devant des considérations environnementales.
Au contraire, en Angleterre, le
législateur a estimé que la protection de l’environnement devait être l’élément
intrinsèque de tout dispositif réglementaire consacrant le droit du public à
l’information détenue par des personnes publiques.
Comme examiné auparavant, un régime
spécifique sur l’accès à l’information environnementale a été introduit en
Angleterre en 1992. De plus, malgré la consécration en 2000 d’un droit général
d’accès à l’information administrative, le législateur a expressément prévu
qu’un régime spécial concernant
les informations sur l’environnement subsistera en parallèle au régime
général. Il aurait été beaucoup
plus simple d’unifier ces deux régimes. Pourtant, la nécessité d’assurer la
protection de l’environnement à travers la divulgation des informations
environnementales détenues par les personnes publiques a eu comme conséquence
le maintien de deux régimes juridiques distincts.
Cette approche anglaise, comparée à
l’attitude française décrite plus haut, démontre comment le droit d’accès à
l’information environnementale a toujours primé sur le droit général et en
définitive, comment la protection de l’environnement a été considérée comme d’importance supérieure à la
consécration d’un droit général d’accès aux informations administratives.
Une autre illustration de cette
approche différente est l’exclusion à la communication des informations dont la
divulgation pourrait nuire à l’environnement. En France, c’est une exclusion relative,
ce qui signifie que l’administration peut décider que la fourniture
d’informations peut l’emporter sur des considérations de protection de
l’environnement. Au contraire, en Angleterre, en tant qu’exclusion absolue ça
signifie que la protection de l’environnement doit toujours primer sur le droit
d’accès. En effet, il ne faut pas oublier que dans le contexte de la Directive
90/313/CEE le droit d’accès n’est qu’un instrument n’ayant comme seule raison
d’existence la protection de l’environnement.
Il est intéressant de constater que
la transposition effectuée en Angleterre peut être jugée comme étant plus
conforme à l’esprit de la Directive que la transposition française, et ceci
pour plusieurs raisons.
Premièrement, la solution anglaise
est un régime qui consacre un droit d’accès plus libéral et plus ouvert que la
solution française. En effet, le droit d’accès en Angleterre est limité par un
plus petit nombre d’exceptions absolues, contrairement au régime français où la
très grande majorité d’exclusions à la communication sont absolues. De ce fait,
les autorités publiques saisies de demandes de communication conservent la
possibilité dans la majeure partie des cas de procéder à la communication
d’informations demandées même si ces dernières sont couvertes par des secrets
protégés.
Deuxièmement, en France avant d’attaquer en justice
une décision de refus de communication d’informations, il est nécessaire de saisir
la CADA, une autorité administrative dont les décisions ne sont pas
obligatoires pour l’administration. Par conséquent, même si la CADA se prononce
pour la communication l’administration est libre de persister dans son refus
et la personne intéressée doit encore aller devant le juge administratif
pour contester effectivement la décision de refus. La procédure de la CADA
n’aboutit donc qu’a rallonger inutilement le temps avant que le citoyen
obtienne une décision obligatoire pour l’administration. Au contraire, dans le
système anglais actuel le citoyen peut directement saisir le juge administratif
en cas de difficultés ce qui est plus rapide et efficace. D’ailleurs, même
après l’adoption du nouveau régime environnemental anglais, cette conclusion ne changera pas,
puisque même si comme en France le recours devant l’Information Commissionner deviendra obligatoire avant tout
recours contentieux, ses décisions seront obligatoires pour l’administration.
Troisièmement, comme nous l’avons
vu, le régime français ne donne aucune définition de la notion
« d’information environnementale » contrairement au régime anglais
qui adopte la définition de la Directive. Ceci crée un fort élément
d’incertitude en ce qui concerne les contours du droit d’accès, allant dans le
sens opposé voulu par le législateur communautaire qui est celui d’assurer un
droit d’accès aux informations environnementales le plus homogène possible à
travers les différents états-membres.
En guise de conclusion, on peut
penser que la dissémination active des informations environnementales de la
part des personnes publiques (sans demande préalable d’un intéressé), laquelle
est prévue de manière sommaire et trop générale en la Directive 90/313/CEE,
paraît être l'aboutissement inévitable du droit d'accès. En effet, avec le
progrès de la technique et notamment d'internet, on peut déjà imaginer le jour
où toutes les informations environnementales seront détachées du support papier
traditionnel et donc consultables à distance en utilisant le réseau internet. Dans
ce cas, l’obligation d’information passive telle que décrite au cours de cette
présentation deviendrait obsolète.
[1] Il doit être noté que la directive prévoit aussi en son article 7 une obligation pour les autorités publiques de fournir activement au public des informations sur l’environnement sans demande préalable du public. Nous ne parlerons pas dans ce devoir de fourniture d’informations environnementales ex officio puisque la Directive n’adresse pas cette question de manière concrète et n’est en fait centrée que sur le droit passif à l’information environnementale. (Voir sur ce dernier point, Ralph E. Hallo (ed.), Access to Environmental information in Europe – The Implementation and Implications of Directive 90/313/EEC, Kluwer Law 1996, p. 18).
[2] Voir sur ces points B. Lasserre, N. Lenoir, B. Stirn, La transparence Administrative, Presses Universitaires de France, 1987. Voir aussi C. Debbasch (ed.), La transparence administrative en Europe, éditions du C.N.R.S., 1990.
[3] Nous traiterons plus particulièrement des dispositions s’appliquant à l’Angleterre, même si en règle générale les solutions juridiques concernant le droit d’accès tant général qu’environnemental, adoptées en Ecosse et au Pays de Galles sont très similaires voir parfois identiques.
[4] Voir notamment, Ralph E. Hallo (ed.), Access to Environmental information in Europe – The Implementation and Implications of Directive 90/313/EEC, Kluwer Law 1996, et aussi M. Prieur (dir.), Le Droit à l'information en matière d'environnement dans les pays de l'Union européenne, Presses Universitaires de Limoges, Limoges 1997.
[5] Comme droit d’accès à l’information environnementale nous entendons le droit général d’accès à des informations concernant l’environnement, à l’exclusion de la multitude de dispositions particulières permettant d’accéder à des informations particulières relatives à certains aspects de l’environnement, comme par exemple les dispositions permettant de demander copie des pièces constituant un dossier de permis de construire.
[6] Nous parlerons exclusivement de la transposition de la Directive 90/313, étant donné qu’à ce jour ni le Royaume-Uni, ni l’Union Européenne ont ratifié la Convention d’Aarhus (Voir infra). La France l’a certes ratifié le 8 juillet 2002, mais n’a pas encore commencé un processus spécifique de transposition en matière de droit d’accès, attendant l’adoption de la nouvelle Directive remplaçant celle de 1990.
[7] COM(2000) 402 COD2000/0169 - JOCE C 337, du 28/11/2000.
[8] La convention d’Aarhus est le premier instrument international contraignant qui a pour objectif de faciliter l’accès à l’information sur l’environnement et d’améliorer la participation du public aux décisions pouvant avoir des répercussions sur l’environnement. Elle a été signée tant par l’Union européenne que par tous les autres Etats-Membres de l’Union. L’objectif de la convention s’inscrit parfaitement dans les efforts consentis par l’Union Européenne afin de garantir l’accès du public aux documents détenus par les autorités publiques des Etats-membres. Pour le texte intégral de la Convention d’Aarhus, voir sur le site de la Commission Economique pour l’Europe des Nations Unies : http://www.unece.org/env/pp/ . Voir aussi Michel Prieur, La convention d’Aarhus, instrument universel de la démocratie environnementale, Revue Juridique de l’Environnement, no. spécial 1999, p. 9.
[9] Le 14 mars 2001, le Parlement Européen a approuvé en première lecture la proposition de la Commission moyennant certains amendements. Le 6 juin 2001, la Commission a adopté une proposition modifiée intégrant une partie des amendements (Voir le JOCE C 240, du 28-08-2001). Le 28 janvier 2002, le Conseil a adopté une position commune (Voir le JOCE C 113, du 14-05-2002). Le 30 mai 2002, le Parlement Européen en deuxième lecture a approuvé la position commune du Conseil moyennant certains amendements. Le progrès de l’adoption de ce projet de Directive peut être suivi sur le site de l’Observatoire Législatif du Parlement Européen : http://www.europarl.eu.int/home/default_fr.htm
[10] Il doit être noté, que les efforts de transparence concernent aussi
les informations détenues par les institutions communautaires elles-mêmes. Dans
ce sens des progrès ont déjà été effectués avec l’adoption du Règlement n°
1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès
du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission,
JOCE no. L 145 du 31/05/2001 p. 43. Voir aussi Deidre Curtin and Herman Meijers, The principle of open
government in Schengen and the European Union: democratic retrogression?, Common Market Law review 32: pages
391-442.
[11] Tout au long de cette présentation nous allons décrire uniquement le système en vigueur en Angleterre. Ce système est applicable aussi au Pays de Galles. En ce qui concerne l’Ecosse, les solutions juridiques adoptées sont similaires et dans certains cas identiques.
[12] Environmental Information Regulations 1992, SI 1992/3240, tel que modifié ulterieurement par le Environmental Information Regulations 1998, SI 1998/1447. Disponibles sur le site internet des Services de Diffusion de Sa Majesté www.hmso.gov.uk
[13] Voir sur ce point Andrew Waite, The United Kingdom, en l’ouvrage collectif Le droit à l’Information en Matière d’Environnement dans les Pays de l’Union européenne, Presses Universitaires de Limoges, 1997, page 318.
[14] Il existe un débat outre-manche sur la question de savoir si ces dernières autorités, qui incluent les compagnies privées de distribution d’eau, d’électricité, de gaz etc, sont dans le champ de la Directive ou pas. Voir sur ce point Gisèle Bakkenist, Environmental Information : Law Policy & Experience, Cameron May, London 1994, p. 60. Ce débat sera bientôt clos, étant donne que la proposition de règlement visant à remplacer le système en place, inclura explicitement ces autorités. Voir supra, n. 9.
[15] Pour le texte intégral du projet de la nouvelle réglementation sur l’accès à l’information en matière d’environnement, voir le site internet du Ministère de l’Environnement britannique à l’adresse : http://www.defra.gov.uk/environment/consult/envinfo/
[16] Sur une comparaison des dispositions de la convention d’Aarhus et de la directive 90/313, voir Voir Daniel Wilsher, Freedom of Environmental Information : Recent Developments and Future Prospects, 2001 European Public Law 671, p. 679.
[17] Auparavant il était certes possible d’accéder à de telles informations, mais ce n’était pas un
droit juridiquement établi, mais une politique d’ouverture décidée par le
Gouvernement de John Major. Les modalités d’accès étaient décrites dans des
Codes de Pratique (Codes of Practice),
sortes de circulaires sans valeur normative. Sous ce régime le seul recours
possible était devant l’Ombudsman Parlementaire, dont les décisions ne sont pas
obligatoires pour les personnes publiques visées. Sur ce régime voir Patrick Birkinshaw, Government & Information – The Law Relating to
Access, Disclosure & their Regulation, 2nd edition,
Butterworths, London 2001
[18] En novembre 2002, la loi sera applicable uniquement aux autorités du gouvernement central et à quelques autres autorités centrales, puis sera progressivement étendue aux autres autorités publiques selon un calendrier établi par le Gouvernement en décembre 2001. Pour plus de détails, voir sur le site internet de l’Information Commissionner http://www.dataprotection.gov.uk/dpr/foi.nsf
[19] Consacré à la sous-section 1 de la section 1 de la loi Freedom of Information Act 2000.
[20] Voir P. Stanley infra n. 46, page 36-50.
[21] Ibid.
[22] Department of the Environment, Food and Rural Affairs (DEFRA). Les Départements sont l’équivalent des Ministères en France.
[23] Sur ces points, voir D. Wilsher, supra n.16, p. 692-3.
[24] Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public, JO, 18 juillet 1978, page 2851.
[25] Il s’agit du Décret n° 78-1136 du 6 décembre 1978 relatif à la Commission d'accès aux documents administratifs ; du Décret n° 79-834 du 22 septembre 1979 portant application de l'article 9 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs ; du Décret n° 88-465 du 28 avril 1988 relatif à la procédure d'accès aux documents administratifs ; du Décret no 2001-493 du 6 juin 2001 pris pour l'application de l'article 4 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 et relatif aux modalités de communication des documents administratifs ; de l’Arrêté du ministre du budget du 29 mai 1980.
[26] Pour un commentaire des modifications apportées par cette loi voir l’article de Y. Gounin et L. Laluque, La réforme du droit d'accès aux documents administratifs, Actualité Juridique – Droit Administratif, 2000, p. 486.
[27] Loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, JO 88 du 13 avril 2000, page 5646.
[28]Par exemple il peut s'agir des actes notariés et des actes d'Etat civil. Conseil d'Etat, 9 février 1983, Bertin, Dalloz 1984, page 68.
[29] La situation était différente avant la réforme opérée par la loi du 12 avril 2001, puisque l’administration « pouvait » ne pas communiquer ces documents. La marge de manœuvre laissé à l’administration initialement, à été supprimée et laisse la place à une interdiction totale de communication. Pour une critique de cette modification, voir Y. Gounin et L. Laluque, op. cit., page 493.
[30] Des détails sur le fonctionnement de cette autorité ainsi que le texte intégral des avis émis par elle, sont disponibles par le biais du réseau internet, à l’adresse http://www.cada.fr
[31] Loi 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, JO no. 29 du 3 février 1995 p. 1840.
[32] Tel qu’il résulte de l’article 132 de la Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, JO no. 50 du 28 février 2002, p. 3808.
[33] Voir le Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001 relative à la transposition de directives communautaires et à la mise en œuvre de certaines dispositions du droit communautaire dans le domaine de l'environnement, publié au JO du 14 avril 2001. Il y est mentionne que : « La conformité des mesures nationales de transposition de la directive du 7 juin 1990 précitée fait l'objet d'un contentieux engagé par la Commission européenne devant la Cour de justice des Communautés européennes, qui sera bientôt clos. »
[34] Ordonnance no 2001-321 du 11 avril 2001 relative à la transposition de directives communautaires et à la mise en œuvre de certaines dispositions du droit communautaire dans le domaine de l'environnement, JO no. 89 du 14 avril 2001 page 5820.
[35] Sur ce point voir infra II) L’étendue différente de la notion d’informations relatives à l’environnement en Angleterre et en France.
[36] Voir sur ce point J-Y Vincent, Accès aux Documents Administratifs, Jurisclasseur Administratif, fasc. 109-10, no. 120.
[37] Voir note n. 33.
[38] Voir le préambule de la Directive 90/313/CEE.
[39] Voir sur ce point Andrew Waite, The United Kingdom, en l’ouvrage collectif Le droit à l’Information en Matière d’Environnement dans les Pays de l’Union européenne, Presses Universitaires de Limoges, 1997, page 325.
[40] Ibid.
[41] Décret no 2001-493 du 6 juin 2001 pris pour l'application de l'article 4 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 et relatif aux modalités de communication des documents administratifs. J.O. Numéro 133 du 10 Juin 2001 page 9246.
[42] Cette procédure est l’équivalent en droit anglais du recours pour excès de pouvoir du droit administratif français. Pour plus de détails sur la procédure contentieuse du judicial review, voir David Foulkes, Administrative Law, Butterworths 1995. (en anglais)
[43] Sur une description en détail de cette autorité administrative indépendante et de son fonctionnement d’un point de vue tant juridique que de la science administrative, voir l'article de J-P Costa, La CADA, Revue Française de Droit Administratif, 1996, page 184. Voir aussi sur internet http://www.cada.fr
[44] Il doit être noté que les avis de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs sont dans la plupart des cas suivis, est que donc elle est dotée d’une très grande autorité morale. Le taux d’avis suivis par l’administration est de 74,3 % d’avis suivis entre 1995-1998, et de 65,7 % en 2000. Source : Rapport d’activité de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs de juin 2001, page 73 ; disponible sur http://www.cada.fr
[45] CJCE, Mecklenburg v. Kreis Pinneberg--der Landrat (Affaire C-321/96), Recueil des décisions de la Cour, 1998 page I-03809.
[46] Les autorités publiques ont une obligation de procéder à ce contrôle d’intérêts contradictoires. En tout état de cause la loi n’institue pas de présomption ni en faveur de la communication, ni du maintien du secret. Voir le commentaire de la loi par Paul Stanley, Current Law Statutes, Vol. 2, 2000, London : Sweet & Maxwell, 2000, p. 36-11.
[47] Il s’agit de l’actuel article 175 du Traite sur l’UE.
[48] Il s’agit de l’actuel article 174 du Traite sur l’UE.
[49] Prévue par l’Article 3, par. 2 de la Directive 90/313/CEE
[50] Sur le plan pratique, il peut s’agir notamment d’informations concernant la localisation géographique d’animaux ou de plantes en voie de disparition mais étant de grande valeur marchande.
[51] Voir Roseline Letteron, Le modèle français de transparence administrative à l’épreuve du droit communautaire, Revue Française de Droit Administratif, 11 (1) janv.-févr. 1995, p. 183.