Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
D.E.A. de Droit Public Comparé des Etats Européens
Année Universitaire 2000-2001
La place de l’Eglise dans les institutions publiques en Grèce.
Rapport d’actualité présenté par Jean-Jacques Paradissis.
En France, depuis la Loi du 9 Décembre 1905 où il est spécifié à l'article 2 que « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte », et étant donne que l’article 1 de la Constitution de 1958 dispose que la France est une République laïque, la question de la séparation entre l' Eglise et l' Etat n' est plus vraiment d' actualité. Au contraire en Grèce, cette question qui est très souvent d' actualité vient de resurgir sur le devant de la scène à cause de la révision Constitutionnelle qui a débuté en 1995 et qui vient de s’ achever le 6 avril 2001 avec la révision de 83 articles sur 120 au total. Le débat en ce qui concerne les relations Eglise - Etat s’ est placé à trois niveaux pendant cette année 2000 - 2001.
Premièrement, en ce qui concerne la mention de la religion des personnes obtenant une carte d' identité sur cette dernière. La carte d' identité est en Grèce, comme en France, un document délivré par l' administration portant certaines indications sur son titulaire qu’ elle sert à identifier. Jusqu' il y a quelques mois, la mention de la religion était obligatoire sur les cartes d' identité. Chaque citoyen faisant la demande d' une carte d' identité devait joindre à sa demande une déclaration sur l' honneur précisant à quelle religion s' identifie-il, et cette religion était reporté sur les cartes. Le gouvernement grec, après avoir recueilli l' avis favorable de l' Autorité de Protection des Données Personnelles (une autorité administrative indépendante nouvellement crée) a modifié la réglementation sur les cartes d' identité et a retiré la mention de la religion. Ceci a provoqué de très vives réactions de la part de l' Eglise orthodoxe de Grèce, qui est une religion d' Etat est reconnue comme telle par la Constitution, comme nous le verrons. L' Eglise a organisé de larges manifestations contre cette mesure qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes dans les rues des plus grandes villes de Grèce. De plus elle a organisé la signature d' une pétition qui a récolté un très grand nombre de signatures. Mais le gouvernement n' a pas voulu modifier sa position et aujourd'hui les nouvelles cartes d' identité sont en place. Quand à la position de l' Eglise elle est inchangée: elle estime que la mention de la religion sur les cartes doit être facultative et qu'' il appartiendrait à chaque administré de choisir.
Deuxièmement, une réforme du Code de Procédure Civile est en cours afin d' y inclure la possibilité pour les personnes citées comme témoins d' opter pour un serment civil et de ne plus être obligées de jurer en apposant leur main sur la Bible. En effet, jusqu' à présent le serment civil (en levant la main droite) devant les juridictions judiciaires était réservé aux seules personnes déclarant être sans religion. Et cette déclaration résultait de ce qui était mentionné sur les Cartes d' identité. De plus, même les personnes appartenant à une autre religion que la religion chrétienne, doivent prêter serment selon les rites de leur religion. Par exemple les musulmans doivent prêter serment sur le Coran.
Troisièmement, la deuxième révision de la Constitution hellénique de 1975 vient d’ aboutir en Grèce (la révision précédente date de 1986). Il s' agit d' une révision de très grande envergure puisque quasiment tous les articles pouvant faire l' objet d' une révision le sont. Seule exception, les articles concernant le statut de l' Eglise orthodoxe en Grèce, la liberté religieuse et le chapitre traitant du statut spécial du Mont Athos, même si ces articles ne font pas partie des dispositions ne pouvant pas faire l’ objet d’ une révision. En effet, s' agissant de thèmes très controversés en Grèce, comme la place respective de la religion dans l' Etat, les politiques ont préféré ne pas y toucher pour l' instant, afin d’ éviter une opposition très virulente de l’ Eglise de Grèce.
Ces trois points ont alimenté, et alimentent, une vive discussion concernant la question de la séparation de l' Eglise orthodoxe et de l' Etat ainsi que de la place de la religion dans l’Etat grec moderne. En effet, la religion orthodoxe est la religion officielle en Grèce, et l' Eglise orthodoxe de Grèce a le statut d' une personne morale de droit public.
Nous tenterons dans cette analyse, de montrer les liens très forts entre non seulement l’Eglise Orthodoxe et l’Etat grec, mais aussi l’imbrication très poussée du phénomène religieux dans le droit en général en Grèce. En effet, pour procéder à une séparation de l’Eglise et de l’Etat en Grèce, il ne suffirait pas de modifier les articles de la Constitution traitant du sujet. Il faudrait aussi modifier tout un système juridique où des références à la religion Orthodoxe sont omniprésentes.
Dans ce travail, nous tenterons donc de montrer la place omniprésente de la Religion Orthodoxe (qualifiée de « religion dominante » par l’article 3 de la Constitution) dans le système constitutionnel hellénique. L’omniprésence de la religion orthodoxe est une des causes pour laquelle la révision constitutionnelle qui vient de s’achever en Grèce, n’a modifié aucun des articles concernant la place de la religion et de l’Eglise dans l’Etat. Car cela aurait conduit à remettre en cause la survie d’une multitude d’institutions juridiques que nous tenterons de décrire.
La question de la place de l' Eglise et de l' Etat en Grèce ne peut pas être traitée sans se référer au statut spécial qu' accorde la constitution hellénique au Mont Athos en sa sixième section intitulée "L' administration", chapitre III intitulé " Le régime du Mont Athos". Le Mont Athos est une région au Nord de la Grèce sur laquelle ne vivent que des moines orthodoxes et qui jouit de certains privilèges que lui accorde spécialement la Constitution. Une des particularités de ce statut constitutionnel c' est l' interdiction totale d' entrée sur ce territoire des femmes. L' interdiction est telle que même les Services Publics de l' Etat grec (et toutes les entreprises privées) qui y sont installés n' emploient pas de femmes fonctionnaires pour les postes situés sur les territoires du Mont Athos (notamment pour la poste, la police maritime, la police, la Caisse d' épargne et les banques appartenant à l' Etat). Cette interdiction qui est établie par le droit canonique, date du 10ème siècle et est fondée sur des raisons métaphysiques. Beaucoup d' articles de doctrine expriment la crainte des autorités ecclésiastiques de voir ce statut spécial remis en cause2, surtout depuis l' adoption de la Charte des Droits Fondamentaux de l Union Europenne, et peut tre la suite de celle-ci d' une Constitution Europenne, qui consacrerait entre autres la parit hommes femmes. La question de l' entre des femmes sur les territoires du Mont Athos est devenue d' actualit en 1997 lors de la ratification du Trait d' Amsterdam o lors d' un sommet des ministres des affaires trangres, les ministres Sudoise et Finlandaise, ont mis l' opinion que cette interdiction tait contraire au droit communautaire et ont refus d' accepter une dclaration grecque lgitimant cette pratique. Depuis ce problme est toujours d' actualit en Grce, et vient de resurgir sur le devant de la scne en 2001, car un parlementaire britannique a poser en Avril une question devant le parlement europen3 Strasbourg sur la conformit du rgime spcial du Mont Athos avec les traits europens sur la libre circulation. La commission dans sa rponse a estime que le rgime spcial du Mont Athos, droge aux traits, ce que nous tenterons danalyser.
Nous examinerons donc, dans un premier temps, le statut Constitutionnel de la Religion orthodoxe en Grèce, statut selon lequel la Religion orthodoxe est la « religion dominante » de l' Etat conformément à l’ article 3 de la Constitution, un article qui n’ a pas été modifié pendant la révision constitutionnelle qui vient de s’ achever en Grèce. Puis dans une deuxième partie nous examinerons le statut spécial qu' accorde la Constitution hellénique à la Communauté religieuse du Mont Athos.
Comme cela a déjà été mentionné, l’article 3 de la Constitution hellénique, qualifie la religion chrétienne orthodoxe de religion dominante. Pour certains auteurs, cette qualification est dénuée de toute portée normative, et constitue une simple déclaration : un constat que la religion Orthodoxe est en Grèce celle qui rassemble le plus grand nombre de fidèles. Pourtant ces mêmes auteurs4, estiment que c est cette mme dclaration qui justifie que les prtres de la religion orthodoxe puissent recevoir un salaire de la part de l Etat, sans que cela ne puisse constituer une illgalit injustifie par rapport aux ministres du culte des autres religions qui n y ont pas droit. Il est clair de ce qui prcde, que le statut constitutionnellement consacr de la religion Orthodoxe en Grce n est pas une question qui concerne uniquement les relations entre l Eglise et l Etat, mais a un champ plus vaste qui englobe toutes les institutions de l Etat qui sont fortement marques par l existence d une religion dominante.
Nous examinerons donc, dans une première partie le statut de l’ Eglise de Grèce, qui est une Eglise d’ Etat et qualifiée par la loi de personne morale de droit public, et dans une deuxième partie les autres institutions de l’Etat qui trouvent leur seule justification dans l’ existence d’ une religion dominante.
Nous examinerons successivement le statut Constitutionnel de l Eglise de Grce tel qu il dcoule de l article 3 de la Constitution, puis nous examinerons les divers modes de contrle exercs par l Etat Grec sur l Eglise. La possibilit pour l Etat d exercer un contrle sur l Eglise est une des raisons pour lesquelles il est difficile d envisager la sparation de l Eglise et de l Etat en Grce, tant donn que l Eglise (comme l ont montr les manifestations de grande envergure qu elle a pu organiser sur toute la Grce) est un trs fort pouvoir politique et social.
L article 3 de la Constitution5 contient les principes fondamentaux suivants, qui rgissent la position de l Eglise de Grce dans l Etat grec : 1コ) la religion Orthodoxe constitue la religion dominante (al. 1); 2コ) l Eglise de Grce est unie spirituellement au Patriarcat cumnique de Constantinople et toute autre Eglise Orthodoxe (al. 2); 3コ) L Eglise est auto administre (al. 3) ; 4コ) le rgime autocphale existant est maintenu (al. 3). Nous examinerons donc successivement ces affirmations, dun contenu qui peut paratre trange pour une Constitution d un pays Europen.
Comme cela a déjà été mentionné, c’ est l’ article 3 de la Constitution de 1975 qui caractérise la religion chrétienne Orthodoxe de religion dominante. Cette qualification ne date pas de la Constitution de 1975 et on la retrouve dans la Constitution précédente de 1952.
Le terme « dominant サ, appliqu la religion Orthodoxe a une triple signification.
Premièrement, ça emporte comme conséquence que la religion Orthodoxe est la religion officielle de l’ Etat Grec. C’ est une religion d’ Etat.
Deuxièmement, l’ Eglise qui exprime cette religion a sa propre existence légale et est qualifiée de personne morale de droit public, comme le sont ses divers organismes (évêchés, paroisses). Mais cet aspect n’ est pas propre à la religion Orthodoxe, puisque la Loi qualifie expressément de personnes morales de droit public les évêchés musulmans (les muftis) ainsi que les communauts isralites de Grce.
Troisièmement, l’ Etat porte un très grand intérêt à l’ Eglise de Grèce, et elle jouit d’ un traitement spécial, qui ne s’ étend pas aux autres religions. Et ce qui justifie cette différence de traitement, contraire au principe d’ égalité, c’ est justement cet article 3 de la Constitution qui qualifie la religion orthodoxe de dominante. Ce traitement spécial est réservé à l’ Eglise en tant que personne morale en non pas à ses fidèles considérés individuellement, car dans ce cas il y aurait une atteinte au principe d’ égalité.
L' alinéa 2 de l' article 3 de la Constitution dispose que l' Eglise de Grèce est unie spirituellement au Patriarcat oecuménique de Constantinople et à toute autre Eglise Orthodoxe. Ceci est une disposition de droit canon que le constituant grec insère dans toutes les Constitutions depuis 1844. Le constituant a toujours voulu que la religion dominante soit la religion orthodoxe, donc s' acheminant par des sentiers théologiques, il impose l' unité de l' Eglise avec les autres Eglises Orthodoxes. Il lui impose l' unité spirituelle, c' est à dire qu' il enjoint à l' Eglise de se conformer aux « saints canons apostoliques et synodiques, ainsi que les saintes traditions ».
C' est une disposition très étrange, qui ne se retrouve dans aucune autre Constitution moderne Européenne, mais qui témoigne de la volonté permanente du constituant grec de ne pas séparer tant l' Eglise de l' Etat, que le spirituel du temporel.
L' alinéa 3 de l' article 3 de la Constitution, afin de garantir l' auto administration de l' Eglise de Grèce, prévoit que « l' Eglise orthodoxe de Grèce …est administrée par le Saint-synode qui est composé des évêques en fonction…». Et c' est ce même conseil des évêques qui désigne les remplaçants des évêques sortants.
Comme nous le verrons, ce droit de l' Eglise de s' auto administrer n' est pas absolu. Il est soumis au contrôle du Conseil d' Etat grec par le biais du contrôle en annulation à condition qu' il s' agisse de questions purement administratives, et non pas de décisions d' ordre religieux ou dogmatique.
L' article 3 de la Constitution hellénique contient des dispositions sur le statut de l' Eglise de Grèce tant de droit Canon que de droit séculier. Une disposition de droit canonique est contenue au paragraphe 1 qui dispose que l'Eglise de Grèce est autocéphale. Ceci signifie que l' Eglise Orthodoxe de Grèce est indépendante envers les autres autorités ecclésiastiques, situées tant en Grèce qu' à l'étranger, notamment les patriarcats.
Il doit être mentionné que le domaine de compétences ratione loci de l' Eglise orthodoxe de Grce ne concide pas avec les frontires de l' Etat grec. En effet, pour des raisons historiques dues la constitution de l' Etat grec par des rattachements successifs de territoires appartenant diffrents Etats, il existe 5 rgions ecclsiastiques spares, dont chacune a un statut particulier. Certaines, comme les les du Dodcanse (rattachs l' Etat grec en 1947, et appartenant auparavant l' Italie) ne relvent pas de l' Eglise de Grce mais sont rattaches directement au Patriarcat de Constantinople. Le Mont Athos (voir infra, partie II) conserve depuis sa fondation au 10me sicle, son statut d' auto administration sous la juridiction spirituelle du Patriarcat de Constantinople, que la Constitution a consacr dans son article 105.
Mais, malgré l' existence de 5 circonscriptions ecclésiastiques avec un statut différent, la religion orthodoxe reste la religion dominante sur l' ensemble du territoire de la République Hellénique, telle que définie par le paragraphe 1 de l' article 3 de la Constitution. Cela résulte du paragraphe 2 de ce même article qui dispose que "Le régime ecclésiastique existant dans certaines régions de l' Etat n' est pas contraire aux dispositions du paragraphe précédent".
Pour l' Eglise Orthodoxe de Grèce, être une Eglise d' Etat ne signifie pas uniquement qu' elle peut jouir de certain privilèges qui lui sont réservés par la Constitution, dont le plus important est celui de s' administrer par elle-même (voir supra, sur l' auto administration de l'Eglise). Ça signifie aussi qu' elle est soumise à un contrôle de la part de l' Etat. C' est très probablement une des raisons pour lesquelles le constituant n' a pas opéré une réforme de la place accordée en l’Etat à l’Eglise par la Constitution, car séparer l' Eglise de l' Etat aurait signifié la fin de ces mécanismes de contrôle et d' influence. Et comme l' actualité récente le démontre, l' Eglise est un très fort pouvoir politique en Grèce.
Le contrôle exercé par l' Etat sur l' Eglise est des deux ordres: premièrement c' est un contrôle administratif, exercé par les administrations de l' Etat compétentes en la matière, et deuxièmement c' est un contrôle juridictionnel, exercé par le Conseil d' Etat hellénique sur les actes de l' Eglise de Grèce en tant que personne morale de droit public.
Les administrations de l' Etat compétentes pour contrôler les activités de toutes les religions en Grèce sont le Ministère de l' Education Nationale et des Religions compétent pour toutes les activités religieuses ayant lieu en Grèce. En ce qui concerne les relations qu' entretient l' Etat grec avec les autorités religieuses installées à l' étranger (comme les différents Patriarcats, les Eglises Orthodoxes étrangères comme par exemple l' Eglise Orthodoxe de France, le Mont Athos qui est assimilé à un territoire étranger) est compétente la Direction des Affaires Religieuses du Ministère des affaires étrangères.
Les autorités de l' Etat exercent leur tutelle sur les organes de l' Eglise Orthodoxe de Grèce des manières suivantes.
Premièrement, la Loi peut prévoir la participation de représentants de l'Etat lors de la phase finale d' une procédure administrative complexe. Par exemple, pour la nomination d' un évêque après son élection par ses pairs, un Décret Présidentiel est nécessaire6.
Deuxièmement, la Loi peut prévoir que pour qu' un acte administratif des autorités ecclésiastiques acquière force exécutoire, il doit obtenir l' approbation par une autorité de l' Etat. Par exemple, pour qu' une autre religion que la religion dominante puisse édifier un lieu de culte, l' évêque orthodoxe local doit délivrer un permis (c' est un permis distinct du permis de construire), mais pour que ce permis soit valable, il doit être approuvé par le Ministre de l' éducation Nationale et des Religions7.
Troisièmement, la Loi peut aussi prévoir que des représentants de l' Etat siégeront dans des instances collégiales de l' Eglise. Par exemple, dans tout Conseil Episcopal (c'est à dire l' instance collégiale qui est présidée par l' évêque et gère les affaires de chaque évêché) participe un représentant des services fiscaux ainsi qu' un juge8.
Il résulte de tout ce qui précède que le contrôle qu' exercent les administrations de l' Etat sur l' Eglise Orthodoxe de Grèce est très étendu, et il est justifié par l' instauration de la religion orthodoxe en "religion dominante" par l' article 3 de la Constitution. Il est indéniable que séparer l' Eglise Orthodoxe de l' Etat grec signifierait la fin de ce pouvoir de tutelle de l' Etat sur l' Eglise. Pour le rapporteur de la majorité parlementaire lors de la révision Constitutionnelle de 1986, simplement séparer l' Eglise de l' Etat n' aurait pas le résultat attendu; ce qu' il faudrait c' est protéger la société civile des immixtions de l' Eglise dans la vie politique par des mesures allant au delà d' une simple séparation de l' Eglise et de l' Etat9.
Comme cela a été mentionné plus haut, l' Eglise Orthodoxe de Grèce, tout en étant une institution religieuse, est aussi une personne morale de droit public, qui est amenée à prendre des actes administratifs en application de différentes lois.
Le Conseil d' Etat grec, juridiction qui ressemble beaucoup à la section du contentieux du Conseil d' Etat Français10, a ds les annes trente soumis son contrle en annulation pour excs de pouvoir les actes administratifs pris par l' Eglise Orthodoxe de Grce. Actuellement, ce contrle trouve son fondement dans les dispositions du paragraphe 1 de l' article 9511 de la Constitution qui tablit la comptence du Conseil d' Etat pour annuler les actes administratifs dicts par toute autorit administrative, et par consquent de l' Eglise Orthodoxe de Grce aussi, en tant que personne morale de droit public.
C' est le Conseil d' Etat qui s'est déclaré compétent pour juger de la légalité des actes des autorités de l' Eglise Orthodoxe de Grèce, si ces actes remplissent trois critères cumulatifs. Premièrement, L'acte en question doit émaner des organes auxquels l' Etat à confié la direction de l'Eglise Orthodoxe de Grèce, comme par exemple le Saint Synode (le conseil des évêques au niveau national), les évêques, et les conseils épiscopaux (sur ces conseils voir supra). Deuxièmement, l' acte attaqué doit être édicté en application de dispositions législatives ou réglementaires de l' Etat. Et troisièmement, l' acte attaqué doit régler une question administrative (on pourrait presque dire de service public) et non une question d' ordre spirituel. Mais si l' acte déféré au Conseil d' Etat à un contenu mixte administratif et spirituel, alors le Conseil d' Etat examine la légalité de l' acte uniquement en ce qui concerne son contenu administratif.
Les actes en question peuvent concerner tant les affaires internes de l' Eglise Orthodoxe de Grèce que des questions externes à cette dernière.
En ce qui concerne les affaires internes de l' Eglise de Grèce, on peut noter que le Conseil d'Etat accepte d' examiner toutes les questions concernant le statut des employés (laïcs comme prêtres) de l'Eglise Orthodoxe de Grèce, puisque ils sont soumis à un statut prévu par la Loi et sont rémunérés par l' Etat. Par exemple il a accepté d' examiner la légalité des décisions de nominations, mutations et licenciement d' évêques et de prêtres. Il accepte aussi d' examiner toute décision de l' Eglise Orthodoxe de Grèce ayant comme conséquence de modifier les divisions géographiques de l' Eglise, et notamment le ressort des différents évêchés et des paroisses.
En ce qui concerne les actes de l' Eglise Orthodoxe de Grèce qui concernent des affaires non exclusivement internes à l' organisation de cette dernière, ce sont des actes édictés sur le fondement de la réglementation étatique applicable et qui ont des conséquences sur les droits constitutionnels des citoyens. Il peut s' agir tant d' actes réglementaires qu' individuels. Par exemple, le Conseil d' Etat a accepté d' examiner la légalité du refus d' un évêque d' octroyer l' autorisation nécessaire à une Eglise "concurrente" d' ouvrir au public leur lieu de culte. Le Conseil d' Etat examine aussi le refus de l' évêque d' autoriser un mariage religieux.
Il résulte de tout ce qui précède, que le contrôle du pouvoir judiciaire sur l' Eglise Orthodoxe de Grèce est très étendu, et ne pourra sûrement pas se maintenir en cas de séparation de l' Eglise et de l' Etat en Grèce.
Après avoir étudié le statut constitutionnel de Eglise Orthodoxe de Grèce, il convient d'examiner les autres institutions juridiques qui trouvent leur seule raison d'être dans l' instauration par la constitution d' une religion dominante. En effet, la religion orthodoxe en Grèce est tellement présente dans les institutions grecques, que limiter l' examen de la "religion dominante" au statut de l'Eglise Orthodoxe de Grèce laisserait de côte les parties du sujet qui rendent la Grèce un Etat totalement différent des autres pays Européens, même de ceux ayant institué une Eglise d' Etat, comme le Royaume-Uni ou le Danemark.
En Grèce, l' article 3 de la Constitution consacrant une "religion dominante" justifie l' existence de trois institutions juridiques, qui paraissent être contraires au droit fondamental consacré tant par la Constitution hellénique (article 1312) et par le droit international de la libert religieuse. Il s' agit surtout de l' institution du serment religieux obligatoire, de la lgislation concernant l' ouverture au public de lieux de cultes qui ne sont pas destins la pratique de la "religion dominante" et en dernier lieu du paiement du salaire des prtres appartenant cette religion par l'Etat. Nous examinerons donc, successivement ces trois points.
Le serment religieux (c'est à dire le serment consistant dans le rituel de l'apposition de la main droite sur la Bible et le prononcé d'une phrase dans laquelle on jure de dire la vérité au nom de Dieu) qui peut être tantôt obligatoire ou pas se rencontre dans trois branches du droit grec: en droit constitutionnel, en droit civil et en droit pénal.
En droit constitutionnel grec, le serment religieux se rencontre lors de l' entrée en fonction tant des députés que du président de la République.
En ce qui concerne les députés, l' article 59 de la Constitution hellénique, qui n' a pas été révisé, contient des dispositions concernant le serment obligatoire des députés avant d' entrer en fonction.
Selon le paragraphe 1 de cet article, les députés avant d' entrer en fonctions doivent prêter le serment suivant en séance publique: "Je jure au nom de Trinit sainte, consubstantielle et indivisible d'tre fidle la patrie et au rgime dmocratique, d'obir la constitution et aux lois et de remplir consciencieusement mes fonctions."
Il résulte du paragraphe 2 de ce même article que les députés appartenant à la religion dominante sont tenus de prêter ce serment si ils veulent entrer en fonction, puisque le paragraphe 2 dispose que les députés appartenant à une autre religion ou à un autre dogme de la religion chrétienne que le dogme orthodoxe, prêtent serment selon la formule de leur propre dogme ou religion.
Rien n'est prévu pour les députés athés ou refusant simplement de prêter serment. Mais la doctrine interprète ce paragraphe 2 comme permettant aux députés athés de prêter serment en jurant sur leur honneur13. Par contre, il parat tre impossible pour un dput d' entrer en fonctions sans prter un quelconque serment. Il doit au minimum prter serment sur son honneur.
En ce qui concerne, le serment que doit prêter le président de la république avant d' entrer en fonctions, il est prévu par l' article 33 de la Constitution, qui n' a pas été révisé lors de la révision constitutionnelle qui s'est achevée le 6 Avril 2001. Cet article contient des dispositions similaires à celles prévues pour le serment des députés, mais ne mentionne rien concernant le serment que doivent prêter les personnes de religion différentes que la "religion dominante" ou sans religion.
Il n' existe pas, pour le serment du président de la république, d' équivalent du paragraphe 2 de l'article 59, qui permettrait aux personnes élues président de la république et appartenant à une autre religion ou à un autre dogme de la religion chrétienne que le dogme orthodoxe, de prêter serment selon la formule de leur propre dogme ou religion. On pourrait donc interpréter cet article comme ne permettant pas à des citoyens n'appartenant pas à la "religion dominante" d' accéder à la fonction de président de la république. La doctrine est divisée et surtout embarrassée sur ce point. Pour certains, cet article doit être interprété comme ne permettant pas aux personne n' appartenant pas à la religion orthodoxe d' accéder à la fonction de président de la république, par analogie aux constitutions antérieures à 1975 qui prévoyaient que le Roi de Grèce devait être chrétien de dogme orthodoxe. Pour d' autres, ils estiment que le paragraphe 2 de l'article 59 sur le serment que prêtent les députés non orthodoxes, doit être interprété comme s'appliquant par analogie au serment des présidents non orthodoxes. Mais le problème ne s'est jamais posé en pratique.
L'arrêt de la Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 18 février 1999 Buscarini et autres contre Saint-marin, apporte des prcisions importantes quant la compatibilit de ces dispositions de la Constitution hellnique avec l' article 9 sur la libert de religion de la Convention Europenne des droits de l'homme. Par cet arrt, la cour juge que sont contraires l' article 9 de la Convention de Rome les dispositions de la loi lectorale de Saint-Marin qui obligent les dputs de prter serment sur les Evangiles, sans qu'ils puissent opter pour un serment civil. Il apparat donc que les dispositions prcites de la Constitution hellnique sont contraires la libert de religion de la Convention de Rome. La seule diffrence c'est qu'en droit grec, la norme qui impose le serment obligatoire est la Constitution et non une loi ordinaire. Il s'agit donc de la question du rapport entre normes constitutionnelles et normes internationales, qui est sans solution.
Selon l'article 220 du Code de procédure pénale, les personnes citées comme témoins sont obligées de prêter un serment religieux, conformément aux rites de leur religion, lorsqu' elles sont appelées à la barre. Ce texte prévoit aussi que les personnes sans religion prêtent serment sur leur honneur, en levant la main droite. Il est prévu aussi que la juridiction peut exempter de l'obligation de prêter un serment religieux les personnes invoquant des raisons sérieuses; ils prêtent alors serment selon la forme civile précitée.
Le Code de Procédure Civile en son article 480 institue lui aussi le serment religieux obligatoire avec les mêmes exceptions qu' en droit pénal. Mais une réforme est en cours afin de permettre aux citoyens chrétiens d' opter librement pour un serment civil et de ne plus être obligées de jurer en apposant leur main sur la Bible. Mais en droit pénal, aucune réforme n'est prévue à l'heure actuelle.
Respecter la conscience religieuse des individus est certes un droit fondamental. Mais l' Etat doit aussi leur permettre de pratiquer les rites de leur croyance religieuse en leur permettant de créer des lieux de culte et de prière. L' article 13 du paragraphe 2 de la Constitution hellénique contient une disposition en ce sens puisqu'il dispose que "Toute religion connue est libre, et les pratiques et son culte s'exercent sans entrave sous la protection des Lois".
Le législateur ordinaire, en se fondant sur ces dispositions a institué un régime d'autorisation pour la création de lieux de culte des différentes religions. L' autorisation est accordé par un arrêté du Ministre de l'Education Nationale et des Cultes et est nécessaire pour toutes les religions, sauf la Religion Orthodoxe. Une des conditions nécessaires à l'obtention de cette autorisation, est l'autorisation préalable de l'évêque orthodoxe du lieux en question Le Conseil d'Etat hellénique, a statué que cette autorisation ne lie pas le ministre qui peut passer outre, mais dans ce cas, il doit motiver spécialement sa décision.
On pourrait, s'interroger de a compatibilité de ces dispositions au regard des principes d'égalité et de non discrimination religieuse. Mais en Grèce, l'article 3 de la Constitution qui consacre une "religion dominante" permet l'existence de tels régimes d'autorisation discriminatoires.
En Grèce, pour des raisons historiques, les ministres du culte de la Religion Orthodoxe sont soumis à un statut spécial de la part de l'Etat qui est très similaire au statut des fonctionnaires. En contrepartie, ils reçoivent un salaire qui est payé directement par l'Etat. En effet, ils sont considérés comme participant à une mission de service public et sont considérés comme des fonctionnaires.
Au contraire, les ministres du culte des autres religions ne reçoivent aucun traitement de la part de l'Etat.
Ces dispositions, paraissent contraires non seulement au principe d'égalité mais aussi à l'article 13 paragraphe 3 de la Constitution hellénique selon lequel: "Les ministres de toutes les religions connues sont soumis à la même surveillance de la part de l'Etat et aux mêmes obligations envers lui que ceux de la religion dominante."
Après avoir examiné en détail les dispositions de la Constitution hellénique concernant la "religion dominante" et l'Eglise Orthodoxe de Grèce et leur conséquences sur le droit public hellénique, il convient d'examiner le statut du Mont Athos, une région auto administrée de Grèce, gérée depuis le 10ème siècle par les moines orthodoxes y habitant. Son statut est réglé par la Constitution actuelle hellénique.
Les relations Eglise – Etat en Grèce prennent une forme spéciale lorsque il s’ agit du statut constitutionnel du Mont Athos (en grec, Άγιον Όρος / Aghion Oros, Sainte-Montagne). Le mont Athos, « la république la plus ancienne au monde »14 puisque fondée en 963, jouit d’ un statut constitutionnel spécial d’ autonomie que lui accorde le chapitre 3 de la constitution hellénique de 1975/1986. Certaines parties de ce statut, étant en totale contradiction avec le droit communautaire, la Grèce lors de son adhésion aux Communautés Européennes, conjointement à la ratification du traite d’ adhésion, a émis une réserve à propos du Mont Athos, réserve qu’ elle réaffirme à chaque modification du traité des Communautés Européennes.
Nous examinerons donc successivement, le statut constitutionnel spécial du Mont Athos, puis nous examinerons ce statut au regard du droit international (surtout du droit communautaire) en vigueur concernant le Mont Athos.
Le troisième chapitre de la constitution de 1975/1986 contient uniquement un seul article, l’article 10515, qui : (a) prévoit un statut, spécial d’ auto administration du Mont Athos, un statut qui délimite les champs d’ interventions de l’ Etat grec et du Patriarcat Oecuménique. (b) Instaure le cadre légal qui entoure les activités que peut exercer librement les organes dirigeant le Mont Athos.
Avant d’ examiner plus en détail ces deux points, il paraît nécessaire de faire une courte introduction historique sur le statut spécial du Mont Athos.
Ce qu’ on appelle « Mont Athos » est une péninsule située au nord de la Grèce, sur laquelle vivent exclusivement des moines appartenant à l’ église Orthodoxe d’ Orient. Les premiers monastères sont fondes au 10ème siècle par les empereurs byzantins, qui créent un statut spécial d’ auto administration. Du 16ème au début du 19ème siècle, pendant l’ occupation par l’ empire ottoman de la Grèce, un statut d’ auto administration est maintenu. En 1920, le Mont Athos est rattache au nouvel Etat grec. Et en 1926, par la loi du 10/16 septembre 192616, est adopte la première « Chartre statutaire du Mont Athos » l’ adoption de cette chartre est prévue par la Constitution hellénique de 1927, dispositions qui n’ ont pratiquement pas été modifiées et sont contenues dans l’ article 105 de la constitution de 1975. Article qui comme cela a déjà été mentionné, ne fait pas partie des articles nouvellement révisés.
L’ article 105 de la Constitution en ce qui concerne le statut d’ auto administration du Mont Athos, prévoit un cadre qui entoure tant le droit de l’ Etat grec que le droit canon de l’ église orthodoxe.
Premièrement, en ce qui concerne le droit étatique, il pose les limites suivantes au statut d’ auto administration de la péninsule.
L'état grec, est le seul responsable pour le maintien de l’ ordre public et de la sécurité publique. Ceci se traduit en pratique par le fait que ce sont les administrations grecques policières et militaires qui veillent au maintien de l’ ordre et de la sécurité. De plus, c’ est le droit pénal grec qui est applicable et ce sont les tribunaux pénaux de la République Hellénique (de la ville de Thessalonique) qui sont compétents pour juger les infractions pénales commises par toutes personnes sur les territoires du Mont, conformément à l’ article 7 de la Chartre Statutaire qui dispose que : « Sur la Sainte-montagne, la justice est rendue par les autorités des Monastères et de la Sainte-communauté, sauf pour les cas relevant du droit pénal, qui relèvent de la juridiction des tribunaux de l’ Etat siégeant à Thessalonique. » La Sainte-communauté est l’ organe exécutif du Mont qui est composé des Moines supérieurs de chaque’ un des vingt monastères.
De plus, l’ Etat conformément à l’ article 105 § 4 doit surveiller la bonne application du régime spécial du Mont Athos en ce qui concerne les domaines administratifs. Cela signifie que l’ Etat exerce une tutelle sur les autorités administratives du Mont afin de s’ assurer que leurs actions sont conformes aux dispositions de la Charte Statutaire. Selon l’article 105 § 5 de la Constitution, toutes les attributions de l’ Etat sont exercées par un Gouverneur.
Deuxièmement, en ce qui concerne le droit Canon, la Constitution pose les limites suivantes afin de limiter l’ auto administration du Mont.
Selon l’ article 105 § 1 le Mont Athos dans le domaine spirituel est supervisé par le Patriarcat Œcuménique (de Constantinople). De plus, conformément à l’ article 105 § 4 le Patriarcat Œcuménique doit surveiller la bonne application du régime spécial du Mont Athos en ce qui concerne les domaines spirituels. En effet, la Charte Statutaire du Mont Athos, même si elle a été approuvée par une Loi, elle contient beaucoup de dispositions de droit canon. Il s’ agit encore d’ un exemple des relations très étroites entre la société grecque et de l’ église Orthodoxe.
(3). L’ organisation interne du Mont Athos.
La Constitution hellénique en son article 105 § 3 délègue à la Charte Statutaire du Mont Athos le soin d’ organiser en détail l’ administration de la péninsule. Mais, cet article contient certaines dispositions de cette charte auxquelles le constituant a voulu donner une valeur constitutionnelle.
Premièrement, la Constitution accorde au Mont Athos une autonomie lui permettant d’ édicter ses propres règles régissant son organisation interne. En effet, selon l’article 105 § 3 la Charte Statutaire du Mont Athos est élaborée et votée par les représentants des vingt monastères qui y existent. Mais ce même article pose trois limites à ce privilège. En premier lieu, durant les phases d’ élaboration et de vote de cette Charte, coopère un représentant de l’ Etat grec. En deuxième lieu, cette même Charte est approuvée par le Patriarcat Œcuménique, et en troisième lieu, cette Charte est aussi approuvée par le Parlement Hellénique par une loi.
Deuxièmement, la Constitution pose le cadre dans lequel peut évoluer la vie institutionnelle au Mont. En effet, le Mont doit être administré par ses vingt monastères saints entre lesquelles tout le territoire d'Athos est divisé. Ce territoire ne peut être exproprié. La gestion d'Aghion Oros doit être exercée par des représentants des monastères saints constituant la Communauté sainte, qui est une sorte d’ organe exécutif du Mont. De plus, la Constitution interdit toute modification du système administratif ou du nombre des monastères. La Constitution interdit de demeure au Mont les personnes hétérodoxes ou schismatiques, c’est à dire les personnes n’étant pas Chrétiens Orthodoxes. Par conséquent, il est clair, que la Constitution Hellénique a voulu donner une grande importance à ces règles, afin qu’ elles ne puissent être modifiées par le biais d’ une révision de la Charte Statutaire.
Troisièmement, la Constitution prévoit que les prérogatives appartenant à l’ Etat (voir supra) sont exercées par un Gouverneur et elle délègue à la Loi le soin d’ organiser le statut et les pouvoirs du gouverneur. Le gouverneur est rattaché au Ministère des Affaires Etrangères17 et son statut est réglé par le Décret Présidentiel 227/1998. Ce Décret prévoit expressément dans son article 1 que le « Gouvernement du Mont Athos » est une personne publique. Il en résulte que tous les Actes de ce gouvernement (c’ est à dire du gouverneur, puisqu’ il est le seul organe de ce gouvernement) peuvent être déférés devant le Conseil d’ Etat grec par le biais du Recours en Annulation. Au contraire, le Conseil d’ Etat a jugé dans un arrêt de 198818 que « les Saints Monastères ne sont pas des autorités administratives ni des personnes morales de droit public ». Donc le Conseil d’ Etat s’ est considéré incompétent pour examiner la légalité de l’ élection d’ un moine au rang de Supérieur du monastère. Il est intéressant de constater, qu’ au contraire le Conseil d’ Etat accepte d’examiner les recours en annulation dirigés contre l’ élection des évêques de l’ église de Grèce, étant donne que l’ église orthodoxe Grecque a le statut d’ une personne morale de droit public19.
Comme cela vient d’ être démontré, le Mont Athos est une partie du territoire grec, qui jouit d’ une très grande autonomie que lui accorde expressément et spécialement l’ article 105 de la Constitution hellénique. De ce fait elle n’ a pas la personnalité juridique en droit international et donc le droit international ne devrait pas a priori le concerner directement. Pourtant, en ce qui est du droit communautaire le Mont Athos a une place à part dans le système communautaire. Le droit communautaire reconnaît expressément que du fait de son caractère spirituel et religieux, le droit communautaire doit s’ appliquer d’ une manière exorbitante sur le territoire du mont.
En effet, la Grèce lors de son adhésion aux Communautés Européennes, conjointement à la ratification du traité d’ adhésion, a émis une réserve à propos du Mont Athos. Il s’ agit de la déclaration commune entre la Grèce et les autres pays membres de la communauté à l’ époque, relative au Mont Athos et annexée à l'acte final du traité d'adhésion de la République hellénique aux Communautés européennes20. Cette déclaration commune a été rappelée par la Grèce dans une nouvelle déclaration sur le Mont Athos lors de la ratification du Traité d’ Amsterdam et annexée à ce dernier21. Ces déclarations ne sont pas sans importance, car le régime millénaire du Mont Athos est incompatible sur plusieurs points avec le droit communautaire, tant dérivé mais surtout le droit communautaire originel (les traites), que la Grèce a l’ obligation d’ appliquer sur tout son territoire et donc sur le Mont aussi.
Dans un premier temps donc nous examinerons les incompatibilités entre le droit communautaire et les règles de droit qui sont adoptées sur le fondement de l’ autonomie que la constitution accorde au Mont, c’ est à dire la Charte Statutaire du Mont. Et dans un deuxième temps nous examinerons les conséquences au niveau juridique des déclarations précitées et plus précisément, nous tenterons d’ analyser leur force juridique.
Le Mont Athos fait partie intégrante de la République Hellénique, contrairement au Vatican, à la Principauté de Monaco et à la République de Saint-Marin qui sont des états indépendants et non membres de la communauté. Par conséquent, le statut juridique du Mont diffère des autres régions de la Grèce uniquement selon l’ article 105 de la Constitution qui lui accorde le droit d’ avoir une organisation administrative spéciale et le droit de légiférer. Le droit communautaire peut donc se trouver spécialement en conflit avec les règles qu’ édictent les organes du Mont et qui sont contenues dans la Charte Statutaire du Mont athos. Ces conflits peuvent se présenter dans les domaines suivants :
Etant donné l’ organisation monastique du Mont Athos, le droit d’ établissement de citoyens grecs comme étrangers est très limité sur ces territoires, et est soumis à une autorisation délivrée directement par les autorités ecclésiastiques. De plus, la Constitution interdit l’ établissement sur le Mont aux personnes hétérodoxes ou schismatiques en son article 105 § 2. Par ailleurs, la Charte Statutaire du Mont Athos en ses articles 186 et 43β interdit expressément l’ entrée et le séjour de toute femme de quelque nationalité qu’ elle soit22 sur les territoires du Mont Athos, ce qui parait être une violation de la règle du droit communautaire sur l’ égalité des sexes. De plus, la Constitution accorde automatiquement (et aussi obligatoirement) la nationalité hellénique à toute personne acquérant la qualité de moine au Mont Athos (article 105 § 1), ce qui paraît constituer une violation de la règle de non discrimination par rapport à la nationalité.
Parallèlement, on pourrait aussi se demander si le statut de la propriété immobilière qui régit le Mont peut constituer une entrave au libre établissement. En effet, selon l’ article 105 § 2 de la Constitution et l’ article 2 de la Charte Statutaire du Mont Athos, tout le territoire et tous les biens immobiliers appartiennent aux 20 monastères et ils ne peuvent les vendre. Donc, même si de jure il est possible aux monastères de louer leurs biens immobiliers, il serrait possible de facto (comme cela se passe en faits) que toute tentative d’ établissement qui n’ obtiendrait pas l’ accord des monastères propriétaires soit impossible.
L’ article 175 de la Charte Statutaire du Mont Athos interdit le commerce des biens qui ne peuvent pas être considérés comme nécessaires à son fonctionnement23 (c’est à dire au fonctionnement des communautés monastiques s’y trouvant). Mais on pourrait considérer cette interdiction comme conforme au droit communautaire, puisque l’ article 30 du traité sur l’ Union Européenne, prévoit que la protection de la morale publique peut justifier des entraves à la libre circulation des marchandises.
En règle générale, tous les produits importés, produits et consommés au Mont Athos jouissent d’ une très large défiscalisation. Le problème se pose pour la T.V.A. qui est une taxe commune à tous les pays de l’ Union Européenne et qui est imposé par le biais de diverses directives communautaires. Heureusement, l’ Union Européenne a expressément prévu que le territoire du Mont Athos est exempt de la Taxe à Valeur Ajoutée24.
Nous tenterons de démontrer que même si selon la position officielle de la commission25 et des autorités helléniques26, le droit communautaire doit céder sa place devant les règles de droit interne lorsque est applicable le statut constitutionnel spécial du mont Athos, cette opinion est infondée en droit.
En effet, les arguments utilises pour arriver à cette conclusion non seulement ne sont pas des arguments juridiques, mais ce sont des arguments politiques, mais en plus ils utilisent des arguments politiques.
Selon leur arguments (qui sont majoritairement partagés par la doctrine n Grèce), les déclarations communes27 émises par la Grèce concernant le Mont Athos lors de sa ratification des traités européens, permettent à ce que le droit communautaire ne soit pas pleinement applicable au Mont, mais uniquement si il est conforme à ces déclarations. Donc, la première question qu’il convient de se poser, est de savoir quelle est la valeur juridique de ces déclarations et si elles peuvent tenir en échec l’application des normes communautaires.
De plus comme nous le dit la commission, « …du fait que l’interdiction absolue d’accès au Mont Athos pour les femmes est une tradition de plus d’un millénaire justifiée pour des motifs de caractère religieux, la Commission n’envisage de prendre aucune mesure pour lever cette interdiction. » Il s’agit incontestablement d’un argument non juridique qui est utilisé afin de justifier une position, qui comme nous le verrons est erronée en droit.
Nous examinerons donc dans une première phase, la valeur juridique des déclarations émises par la Grèce et concernant le Mont Athos. (a). Puis dans une deuxième phase, nous tenterons de démontrer que les autres arguments utilisés par les détracteurs de l’entière application du droit communautaire au Mont Athos, ne relèvent pas du domaine juridique et sont donc inopérants pour modifier la conclusion qui résultera de l’analyse sur la valeur juridique des déclarations émises par la Grèce. (b)
Comme nous l’avons déjà vu, la Grèce a à plusieurs reprises émis plusieurs déclarations selon lesquelles le statut spécial du Mont Athos tel que garanti par la Constitution hellénique, ne devait par être modifié par le droit communautaire. Il s’agit plus précisément de la déclaration commune relative au Mont Athos, annexée à l’acte final de l’acte d’adhésion de la Grèce aux Communautés28, confirmée tant par le traité d’Amsterdam (Déclaration de la Grèce relative au statut des églises et des associations ou communautés non confessionnelles29), que par l’acte final de l’accord d’adhésion de la Grèce à la Convention d’application de l’Accord de Schengen30.
Tous ces accords sont des traités internationaux, donc la valeur juridique des déclarations grecques concernant le Mont Athos doit être la même que celle des autres actes annexés aux traités communautaires et qualifies de « déclarations », car en application du principe du droit international de la réciprocité31, les « déclarations » émises par la Grèce ne peuvent pas avoir une valeur différente (plus importante ou moins importante) que la valeur des déclarations émises par les autres pays.
Donc, il résulte de la volonté des Etats ayant ratifie les traites communautaires, que lorsqu’ils ont qualifie un texte de « déclaration » ou de « déclaration commune », ils n’ont pas voulu faire naître des obligations juridiques de ce texte mais uniquement politiques. Si les Etats avaient voulu faire naître des obligations juridiques de ce texte, ils l’auraient qualifié de « protocole »32.
Il résulte de ce raisonnement, que toutes les déclarations de la Grèce concernant le Mont Athos n’ont aucune valeur juridique mais uniquement politique. Comme nous le dit un auteur grec, ces déclarations posent les fondements d’un « dialogue permanent »33 entre les autorités helléniques et les autorités communautaires.
Par conséquent, le droit communautaire est supérieur aux dispositions du statut spécial du Mont Athos, et les dispositions de ce dernier qui sont contraires aux traités communautaires devront être revues et modifiées. Si aucune action n’a été entreprise en ce sens c’est pour des raisons politiques.
Les arguments utilises afin que le droit communautaire ne soit pas appliqué au Mont Athos sont que le statut spécial du Mont est justifié par « ..une tradition de plus d’un millénaire justifiée pour des motifs de caractère religieux… »34 et que ce statut est justifie exclusivement « par des motifs de caractère spirituel et religieux »35.
Nous sommes donc en face d’un phénomène étrange pour un juriste, c’est à dire de constater que la Commission, un des organes communautaires chargés de définir les politiques communautaires et d’appliquer le droit communautaire, utilise des arguments non juridiques afin d’éviter l’application du droit communautaire au Mont Athos, comme cela dicte la pure logique juridique. Car en effet, les arguments tires d’une tradition très ancienne ne peuvent tenir en échec le droit communautaire, lorsque selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes36, même les Constitutions nationales doivent s’incliner devant l’application du droit communautaire.
Il est clair de tout ce qui précède, que le problème de la séparation de l’église et de l’Etat en Grèce est très complexe et du à une longue histoire de relations très fortes entre l’Eglise Chrétienne Orthodoxe de Grèce et l’Etat grec.
Aujourd’hui, dans une Europe fortement teintée par les libertés individuelles, certaines institutions de la Grèce fortement teintées par la religion d’Etat en Grèce, semblent être contraires à des principes fondamentaux, à certains droits de l’homme. Nous pensons que la société hellénique est en pleine mutation vers l’abandon progressif de ces institutions qui ne respectent pas totalement la liberté religieuse des individus. La prochaine évolution, après ces changements serra très probablement l’abandon du système de l’Eglise officielle.
Au contraire, en ce qui concerne le Mont Athos le problème paraît insoluble. Pas tellement sur le plan juridique, puisque comme nous l’avons démontré le droit communautaire doit juridiquement s’appliquer sur le Mont. L’interrogation fondamentale qu’on doit se poser c’est est-ce que le droit communautaire a la légitimité de modifier des institutions inchangées pendant plus de mil ans ? Surtout que les moines athonites ne demandent rien au monde temporel ; depuis 963 ils demandent à vaquer en paix dans leurs occupations quotidiennes. Pourtant, comme nous montre l’histoire c’est le monde « extérieur » au Mont Athos qui a toujours bousculé leur vie : invasions des croisés, puis invasion Ottomane, et enfin invasion des Bulgares et de l’Allemagne nazie. Aujourd’hui, ne peut-il pas y avoir une sorte d’invasion de la part de la communauté européenne avec comme arme le droit ?
Mais cette question relève d’un autre domaine que le droit. Nous devons donc nous arrêter sur ces pensées, et laisser le soin à vous lecteur de les méditer. Amen.
En langue franaise : ouvrages et articles.
Le Mont Athos ォ perverti サ par la manne europenne, quotidien Le Figaro 5/6 Mai 2001.
Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de lUnion Europenne, Actes du Colloque du 18-19 Novembre 1994 lUniversit Paris XI, ditions Litec, Paris 1995.
Article du Professeur Ch. K. Papastathis, en la Revue Europenne des Relations Eglise-Etat, 1998, vol. 5, d. Peeters. (en Anglais)
En langue grecque.
I) Ouvrages.
Tsatsos D., Droit Constitutionnel, tome B, éd. Sakkoulas, Athènes 1993.
Venizelos E., Les Relations Eglise-Etat, éd. Partatiritis, Thessalonique 2000.
Agelopoulos A., Le monde de lOrthodoxie dans les Balkans aujourdhui, d. Kiriakidi, Thessalonique 1992.
Giannaras Chr., Orthodoxie et l’ Ouest en Grèce contemporaine, éd. Domos, Athènes 1999.
Roussas A., Eglise et Grèce contemporaine ; des avis sur la crise générale, éd. Gnorimia, Aleksandropole 1990.
Eglise et Etat ; la nécessite de l’ autonomie en leurs co-existence, articles parus au journal « To Vima », 1992-1993, éd. A. Sakkoulas, Athènes 1993.
Konidaris I., Aspects de droit Byzantie et de droit Ecclésiastique, éd. A. Sakkoulas, Athènes 1993.
Konidaris I., La loi 1700/1987 et la crise récente dans les relations Eglise- Etat, éd. A. Sakkoulas, Athènes 1988.
Konidaris I., La combat entre légitimité et droit canonique, éd. A. Sakkoulas, Athènes 1994.
Konidaris I., Les dispositions essentielles sur les relations Eglise-Etat, éd. A. Sakkoulas, Athènes 1999. (Recueil de textes juridiques)
Papastathis Ch., Eléments de droit ecclésiastique, éd. Sakkoulas, Thessalonique 1994.
Troianos Sp., Organisation des Eglises et relations internationales, éd. A. Sakkoulas, Athènes 1997.
Papastathis Ch., Le traitement spécial des habitants du Mont Athos, éd. Kiriakidis, Thessalonique 1988.
Doris Evag., Le droit du Mont Athos, éd. Sakkoulas, Athènes 1994.
Antonopoulos N., La protection constitutionnelle du statu quo du Mont Athos, éd. Trochalia, Athènes 1997.
Babouskos C., Manuel de droit ecclésiastique, éd. Sakkoulas, Thessalonique 1989.
II) Articles.
Kontogeorgis G., Le Mont Athos, l’Europe et l’interdiction d’entrée Article du 21-9-1997, journal «To Vima ».
Prof. Scandamis N., Le Mont Athos et les Communautés Européennes, en la Revue Hellénique du Droit Européen, 1983, page 285 (article en grec avec un résumé en français).
Troianos Sp., La séparation Eglise-Etat dans le Constitution de 1975, Revue Dikaio kai politiki, no. 15, pages 53-59.
Konidaris I., L’inaccessibilité du Mont Athos, Article du 28-09-1997, journal «To Vima ».
Marinos I., L’inaccessibilité du Mont Athos et l’égalité des sexes, Article du 12-10-1997, journal«To Vima ».
ANNEXE
Réponse donnée par
M. Vitorino au nom de la Commission
(11 juin 2001) JO C 318 E du 13/11/2001 (p. 194).
La déclaration commune relative au Mont Athos, annexée
à l'acte final de l'acte d'adhésion de la Grèce
aux Communautés(1), reconnaît que le statut spécial
accordé au Mont Athos est justifié exclusivement pour des
motifs de caractère spirituel et religieux et que la
Communauté veillera à en tenir compte dans l'application
et l'élaboration ultérieure des dispositions de droit
communautaire, notamment en ce qui concerne les franchises
douanières et fiscales et le droit d'établissement.
Cette déclaration a été confirmée tant par
le traité d'Amsterdam (Déclarations dont la
Conférence a pris acte - Déclaration de la Grèce
relative au statut des églises et des associations ou
communautés non confessionnelles(2)), que par l'acte final de
l'accord d'adhésion de la Grèce à la Convention
d'application de l'Accord de Schengen(3).
Compte tenu de ces dispositions et du fait que l'interdiction absolue
d'accès au Mont Athos pour les femmes est une tradition de plus
d'un millénaire justifiée pour des motifs de
caractère religieux, la Commission n'envisage de prendre aucune
mesure pour lever cette interdiction.
Enfin, il est à noter que l'accès des hommes au Mont
Athos, qui est une région autonome de la Grèce, est
soumis à autorisation administrative, même pour les
ressortissants grecs.
(1) JO L 291 du 19.11.1979.
(2) JO C 340 du 10.11.1997.
(3) JO L 239 du 22.9.2000.
1 La procédure de révision de la Constitution Hellénique vient d’ être achevée le 6 Avril 2001. La Constitution date de 1975, et la révision précédente date de 1986.
2 Voir sur ce sujet prcis, l' article du Professeur Ch. K. Papastathis, en la Revue Europenne des Relations Eglise-Etat, 1998, vol. 5, d. Peeters. (en Anglais)
3 Voir le texte intégral de la question et la réponse de la commission en annexe.
4 Voir notamment D. Tsatsos, Droit Constitutionnel, tome B, éditions Sakkoulas Athènes, 1993, pages 607 et s. (en grec)
5 Pour le texte de l’ article 3 de la Constitution hellénique voir l’ ouvrage Les Constitutions des Etats de l’Union Européenne, La Documentation Française, 1999, collection Retour aux Sources.
6 selon la Loi 590/1977.
7 selon la Loi 1369/1938, Sur les églises saintes et les prêtres. (sic)
8 selon l' article 35 de la Loi 590/1977.
9 Voir D. Tsatsos, Droit Constitutionnel, tome B, éditions Sakkoulas Athènes, 1993, p. 613.
10 Sur les liens de parenté très étroits entre le droit administratif français et hellénique en général, et les juridictions administratives françaises et helléniques en particulier, voir l' ouvrage de E. Stassinopoulos, Droit Administratif Hellénique, aux éditions Montchrestien, Paris 1993 et notamment l' introduction du Professeur Jean Rivero.
11 Art. 95 Paragraphe 1 de la Constitution, tel que résultant de la révision du 6 Avril 2001: " De la compétence du Conseil d' Etat relèvent notamment: a) L' annulation après recours des actes exécutoires des autorités administratives, pour excès de pouvoir ou violation de la loi."
12 L' article 13 par. 1 de la Constitution hellénique dispose que: "La liberté de la conscience religieuse est inviolable. La jouissance des libertés publiques et des droits civiques ne dépend pas des convictions religieuses de chacun."
13 selon E. Venizelos, Les Relations Eglise-Etat, éd. Partatiritis, Thessalonique 2000, p. 143 et s. (en grec)
14 Pour une approche complète d’un point de vue historique, géographique et sociologique du Mont Athos, indispensable afin de mieux comprendre les règles de droit le régissant voir « Le Mont Athos - Merveille du christianisme byzantin » par André Paléologue, éditions Découvertes Gallimard - 1997.
15 L’ article 105 de la constitution dispose que : «1. La péninsule d'Athos s’ étendant au delà de Megali Vigla et constituant la région d'Aghion Oros, selon son mode privilégié antique, est une partie autonome de l'état grec, dont la souveraineté demeurera intacte. Pour les affaires religieuses, Aghion Oros relèvera de la juridiction directe du Patriarcat Oecuménique. Toutes les personnes y menant une vie monastique comme débutants ou moines obtiennent la citoyenneté grecque sans autres formalités.
2. Aghion Oros sera administré, selon son régime, par ses vingt monastères saints entre lesquelles la péninsule entière d'Athos est divisée; le territoire de la péninsule sera exempt de toute expropriation. La gestion d'Aghion Oros sera exercée par des représentants des monastères saints constituant la Communauté sainte. Aucun changement quel qu’ il soit ne sera autorisé dans le système administratif ou dans le nombre de monastères d'Aghion Oros, ou dans leur ligne de commande hiérarchique ou dans leur position par rapport à leurs dépendances subalternes. Des personnes hétérodoxes ou schismatiques y seront interdites de demeure.
3. La détermination en détail des régimes des entités d'Aghion Oros et de la façon de l'exécution en est effectuée par la Charte Statutaire d'Aghion Oros qui, avec la coopération du représentant de l’ état, sera élaborée et votée par les vingt monastères saints et ratifiée par le Patriarcat Oecuménique et le Parlement Hellénique.
4. L'observation fidèle des régimes des entités d'Aghion Oros dans le domaine spirituel sera sous la surveillance suprême du Patriarcat Oecuménique, et, dans le domaine administratif, sous la surveillance de l'état, qui sera également exclusivement responsable de sauvegarder l’ ordre public et la sécurité publique.
5. Les pouvoirs ci-dessus mentionnés de l'état seront exercés par un gouverneur dont des droits et devoirs seront déterminés par loi. La loi déterminera aussi le pouvoir juridique exercé par les autorités monastiques et la Communauté Sainte, ainsi que les privilèges fiscaux et douaniers d'Aghion Oros. » [Notre traduction.]
16 Loi du 10/16 septembre 1926, publiée en le Journal Officiel du Royaume de Grèce, modifiée par la suite à plusieurs reprises.
17 Selon l’ article 21 de la Loi 2594/1998.
18 Arrêt du Conseil d’ Etat grec numéro 2629/1988.
19 Voir sur ce point supra partie I.
20 Déclaration Commune annexée au traité d’ adhésion de la Grèce aux Communautés du 28/5/1979 : « En reconnaissant que le statut spécial qui a été concédé au Mont Athos, comme il est garanti par l’ article 105 de la Constitution Hellénique, est justifié exclusivement pour des raisons spirituelles et religieuses, la Communauté veillera à ce que ces raisons soient prises en considération pendant l’ application et l’ élaboration des dispositions du droit communautaire, surtout en ce qui concerne les exemptions fiscales et douanières et le droit d’ établissement. » (notre traduction car la version française du traité d’ adhésion n’ a été publiée ni au J.O. grec ni ailleurs.).
21 DÉCLARATION (no 59)
de la Grèce relative au statut des églises
et des associations ou communautés non
confessionnelles.(annexé à l'acte final d' Amsterdam)
« En ce qui concerne la déclaration relative au statut des églises et des associations ou communautés non confessionnelles, la Grèce rappelle la déclaration commune relative au Mont Athos annexée à l'acte final du traité d'adhésion de la République hellénique aux Communautés européennes. »
22 Cet article sur l’ interdiction de l’ entrée de toute femme sur le Mont a été ajoutée par une Loi de 1953, mais il s’ agit d’ une interdiction d’ origine coutumière datant du 11ème siècle, jamais remise en question. Art. 186 : « L’ entrée des femmes sur la péninsule du Mont Athos, selon les usages de tous temps, est interdite. »
23 A titre d’exemple, sur ce fondement est interdite l’importation et le commerce de tout appareil électroménager pouvant être utilisé à des fins de divertissement (ex. les téléviseurs, magnétoscopes etc…)
24 Selon l’ article 3 § 2 de la 6ème Directive 77/388/CEE sur la T.V.A.
25 Exprimée dans la réponse du 11 juin 2001 à une question devant le parlement européen posée par un parlementaire Britannique, reproduite en annexe. Selon cette réponse, le régime spécial du Mont Athos déroge légalement aux normes de droit communautaire sur la liberté de circulation des personnes.
26 Citée comme telle notamment dans un article du 21-9-1997 de G. Kontogeorgis, Le Mont Athos, l’Europe et l’interdiction d’entrée, journal «To Vima » (Το Βήμα). (en grec). Disponible sur le site internet de ce journal à l’adresse http://www.dolnet.gr
27 Voir supra note no. 20 et note no.21 .
28 Journal Officiel des Communautés Européennes, L 291 du 19.11.1979.
29 Journal Officiel des Communautés Européennes, C 340 du 10.11.1997.
30 Journal Officiel des Communautés Européennes, L 239 du 22.9.2000.
31 Sur ce point voir le manuel de Jean Combacau, Droit International Public, aux éditions Montchrestien, Paris 1998.
32 Sur ces points voir notamment l’ouvrage de Jacqueline Dutheuil de la Rochère, Introduction au Droit de l’Union Européenne, éditions Hachette Université, Paris 1999.
33 Article du Prof. N. Scandamis, Le Mont Athos et les Communautés Européennes, en la Revue Hellénique du Droit Européen, 1983, page 285 (article en grec avec un résumé en français).
34 Réponse de la commission précitée. Voir Annexe.
35 Réponse de la commission précitée. Voir Annexe.
36 Voir notamment l’arrêt
Internationale Handelsgesellscaft, du 17/12/1970, 11/70, publié
au recueil de arrêts de l cour 1970 p. 1125.